Archives mensuelles : février 2014
Du son contre la prison
Gafsa/Metlaoui (Tunisie) : des chômeurs saccagent et crament le tribunal, puis le bureau local d’Ennahdha
Tunisie : Des manifestants incendient le tribunal de Métlaoui
TAP | 27 fév 2014 | 15 h 37 min
Des habitants de Metlaoui protestant contre les résultats du concours de recrutement de la Société de l’environnement et du jardinage, relevant de la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG)ont fracturé, mercredi, le siège du tribunal cantonal puis l’ont incendié, détruisant du matériel et des documents et pillant les équipements des bureaux, ordinateurs et téléphones.
La correspondante de l’agence TAP à Gafsa, Le feu a détruit le contenu des bureaux du service pénal du tribunal, ainsi que les documents d’autres bureaux, notamment les plaintes et les actes de décès.
Pour leur part, les armoires du service civil de ce tribunal ont été fracturées et pillées, et les réseaux d’électricité et d’eau potable ont été détruits, alors que des dégâts ont été commis dans les salles d’audience et dans le bureau du juge cantonal. Des protestations ont éclaté, il y a deux jours, parmi les postulants qui n’ont pas réussi au concours de la société de l’environnement et du jardinage, pour le recrutement de 1120 chômeurs de Metlaoui sur un total de 2716 places pour toutes les délégations du gouvernorat.
Le procureur-adjoint du tribunal de première instance de Gafsa, Abdesselam Mekki, a déclaré à la correspondante de la TAP qu’une « instruction a été ouverte », ajoutant que « le juge d’instruction et un représentant du ministère public de Gafsa se sont rendus, jeudi, sur les lieux, pour évaluer les dégâts, réunir les preuves et enquêter pour dévoiler les auteurs ».
Selon des témoins oculaires, les protestataires avaient « bloqué, mercredi après-midi, la route principale de la ville de Metlaoui, enflammé des pneus et des bennes à ordures, avant d’attaquer et d’incendier le tribunal et le bureau local du parti Ennahdha situés tout près ». Pourtant, il était possible de présenter des recours, surtout que ces résultats sont préliminaires, d’après les communiqués du ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, et celui de l’Industrie, de l’Énergie et des mines.
D’autre part, les cours étaient toujours suspendus, jeudi, dans les établissements scolaires, alors que la situation paraissait calme et normale, dans la ville de Metlaoui. Les commerces ont ouvert et le trafic routier est normal. Le transport du phosphate et des voyageurs par voie ferrée était bloqué, mercredi, à cause du sit-in observé par des groupes de protestataires qui n’avaient pas réussi au concours, au niveau de la ligne ferroviaire N°15 reliant Metlaoui, Gafsa et les site de production de phosphate.
Metlaoui : Un local d’Ennahdha et un tribunal partiellement incendiés
AFP, 27/02/2014 13h22
Le local du parti islamiste tunisien Ennahdha à Métlaoui (centre) et un tribunal ont été partiellement incendiés dans la nuit de mercredi à jeudi par des manifestants protestant contre les résultats d’un concours de recrutement, selon un correspondant de l’AFP.
Il s’agit de la deuxième nuit consécutive de violences dans cette ville de la région de Gafsa, au centre de la Tunisie, stratégique pour ses mines de phosphates, mais où la grogne sociale due du chômage dégénère régulièrement. Dans la nuit de mardi à mercredi, un poste de police avait déjà été incendié.
Les heurts ont éclaté après que les autorités ont commencé à annoncer les résultats du concours de recrutement d’une société publique travaillant dans le secteur de l’environnement, dont les protestataires s’estiment injustement écartés.
Jeudi matin la tension restait palpable à Métlaoui selon le journaliste de l’AFP, et la police ainsi que des unités de l’armée se sont positionnées devant des installations publiques.
De nouveaux résultats sont attendus dans les jours à venir, ce qui laisse craindre de nouvelles violences. Les résultats de ce type de concours déclenchent régulièrement des affrontements entre candidats malheureux et policiers.
La région de Gafsa est stratégique pour la Tunisie en raison de ses mines de phosphates, mais reste parmi les plus pauvres du pays. Elle avait été le théâtre en 2008 d’une insurrection nourrie par la pauvreté et réprimée dans le sang par le régime déchu, à Redayef notamment.
Depuis 2011, la production minière y est à 30% de ses capacités en raison des nombreux mouvements sociaux et malgré l’embauche de milliers de personnes pour tenter de juguler la grogne sociale.
La révolution tunisienne a été largement nourrie par la misère et le chômage. Mais déstabilisée par une crise politique et des conflits sociaux à répétition, l’économie de la Tunisie n’a pas redémarré, si bien que le chômage touche toujours plus de 15% de la population active et plus de 30% des jeunes diplômés.
DANS LE MONDE UNE CLASSE EN LUTTE FEVRIER 2014
Une publication sur les luttes sociales dans le monde…. ECHANGES ET MOUVEMENT, BP 241, 75866 PARIS CEDEX 18, France. Site Internet :http://www.mondialisme.org
LUTTES DE CLASSE ET LUTTES POLITIQUES
Notamment depuis le sud-est asiatique jusqu’au Sénégal, dans une large bande autour de l’Equateur¸ dans le Moyen-Orient jusqu’à l’Ukraine, monde est à feu et à sang. Cela concerne les pays en développement comme ceux restés dans une telle dépendance que l’on ne parle même pas de développement.
On rencontre aussi bien des affrontements armés dans une véritable guerre civile comme en Syrie ou autour du Soudan, ou en Centre-Afrique, qu’une guérilla récurrente comme en Afghanistan, en Irak, en Lybie ou au Liban, ou dans des manifestations imposantes avec occupation de lieux publics, un peu partout mais surtout présentement en Ukraine ou en Thaïlande, récurrentes mais toujours violemment réprimées.
Dans la grande majorité de ces conflits, il s’agit de luttes strictement politiques pour la conquête ou le partage du pouvoir, prenant des aspects ethniques et/ou religieux souvent sous-tendus par les rivalités entre grandes puissances ou l’influence d’une ex-puissance coloniale. Parfois, dans les pays où existe une classe ouvrière conséquente, comme en Tunisie, en Egypte ou récemment au Cambodge, la lutte ouvrière peut servir d’appoint à ces forces politiques — très temporairement –comme cela s’est vu souvent dans maintes « révolutions bourgeoises » dans le passé.
De toutes les façons, que la classe ouvrière soit intervenue ou qu’elle soit restée en marge, une fois ce conflit politique « résolu » pour un temps, tout ce que les uns et les autres demandent aux travailleurs c’est de reprendre le travail, de rentrer dans les rangs, et de travailler aux conditions imposées par le capital via le gouvernement en place, détenteur du pouvoir de répression sociale, dans un monde toujours fait de surexploitation et d’austérité pour l’immense majorité de la population.
Ces luttes politiques n’ont en fait rien à voir avec les luttes sociales, avec la lutte de classe, sauf à perpétuer sous une forme différente — certains appellent même ce changement de forme de « révolution » — la domination du capital.
La guerre sociale, la guerre de classe, c’est tout autre chose. Elle englobe tous les travailleurs qui luttent contre le quotidien de leur exploitation dans toutes ses formes, individuelles autant que collectives, avec les limites du rapport de forces du moment. Ces formes vont de la récupération individuelle de la marchandise-temps de travail et/ou du produit du travail, à la récupération collective de ce temps de travail dans la grève, de l’espace de travail par l’occupation de l’appareil de production dans les tentatives d’autogestion, de la marchandise vendue pour se faire du fric… Parfois cela va beaucoup plus loin par une généralisation de toutes ces luttes et alors, la lutte sociale, la lutte de classe devient ouvertement politique. Mais la lutte de classe concerne aussi tous les exclus, cette force de travail en réserve qui tente de s’approprier des miettes du festin capitaliste, qui récupère tout ce qui dans ce système est marchandise : les squats avec la propriété privée, les SDF avec l’espace public, les chômeurs qui peuvent tenter de rompre les encadrements stricts des « avantages sociaux », la récupération directe dans les temples de la distribution, etc.
Tout cela fait partie de la lutte de classe et dans le monde, les travailleurs et laissés-pour-compte sont de plus en plus nombreux (depuis 1990, selon les chiffres officiels, le nombre de ceux qui vendent leur force de travail a été multiplié par trois, et encore en ne prenant pas en compte le fait que la moitié de la population active mondiale travaille « au noir » ; cette croissance ne se reflète pas dans la part des salaires dans les revenus mondiaux : de 1970 à 2010, malgré l’accroissement du nombre d’actifs salariés, cette part est passée de 66 % à 60% de ces revenus, ce qui signifie une intensification des conditions d’exploitation du travail).
Cela veut dire que le prolétariat représente une force placée dans des conditions de base identiques (même s’il y a des différenciations énormes dans ces conditions réelles), et que le capital exige de lui toujours plus pour en concéder toujours moins.
C’est pour tout cela que nous consacrons ces pages, principalement à la lutte de classe, et non aux rivalités politiques bourgeoises de tel ou tel camp., à tenter d’analyser comment les luttes se déplacent et se développent face à la domination et à la répression. Nous pouvons espérer que ces luttes finiront par déplacer les frontières de classe au point de les effacer et de liquider, avec le système capitaliste, tous ceux qui en assurent le fonctionnement.
L’IMAGINATON AU POUVOIR
BRESIL – 18/01/2014 – Comme ailleurs, la répression a bloqué l’extension des occupations d’espaces publics (voir précédents bulletins). Déjà, autour de Noël, le pillage des centres commerciaux jouxtant les banlieues avait entraîné une plus grande répression. Ce qui suit peut paraître une réplique organisée.en utilisant habilement les structures du système.
Organisés sur le réseau Facebook, les Rolezinhos, ou rassemblements éclairs de protestation, peuvent regrouper jusqu’à 8 000 participants. On trouve ainsi 1 000 activistes au supermarché JK à Sao Paulo (contre les discriminations), 6 000 de nouveau à Sao Paulo pour occuper le Shopping Itaquera proche d’un faubourg pauvre. En général, les Brésiliens impliqués dans ces mouvements originaux se mobilisent contre le racisme, les inégalités sociales, etc. Ils sont imprévisibles et échappent à tout contrôle. Il est difficile de les contrer car aucun commerce ne peut empêcher les clients supposés d’entrer, et il est difficile aux flics d’intervenir. Bien sûr, de tels rassemblements dans les rayons des supermarchés et boutiques des centres commerciaux entraînent de fructueuses récupérations de marchandises.
Le mouvement a pris une telle ampleur que le gouvernement s’est réuni d’urgence. Peut-être, à l’imitation de ce qui est projeté en Espagne ou mis en œuvre en Egypte, pénalisera-il sévèrement l’utilisation des réseaux sociaux pour convoquer de tels rassemblements festifs protestataires.
ARGENTINE
Ce qui s’est passé en Argentine le 10 décembre 2013 illustre parfaitement le fait que lorsque les forces du contrôle social (police et armée) sont dans l’impossibilité temporaire de remplir leur fonction, la marmite explose et les premiers actes sont la récupération et la réappropriation de la marchandise. C’est valable pour les catastrophes naturelles (ouragan Katrina, tremblement de terre, tsunami par exemple), ou avec les dysfonctionnements du capital (pannes géantes d’électricité, explosions atomiques ou autres).
Ce qui déclenche cette situation en Argentine, c’est la grève des flics pour les salaires, imprudemment annoncée à l’avance ; cette grève débute à Cordoba, la deuxième ville du pays, et s’étend dans 17 des 23 provinces; dès que la nouvelle de la grève a été connue, des gangs se sont constitués pour faire des raids sur les supermarchés. De véritables bandes ont déferlé alors, venues des bidonvilles, qui ont pris d’assaut tous les commerces sans distinction et parfois des habitations cossues. Pain béni en cette période d’inflation ; 1 900 magasins auraient été vidés de toutes marchandises, comme avec un aspirateur géant. Certains commerces ont tenté de se défendre avec les gardiens ou individuellement. Dans certaines provinces, à la dernière minute, on a envoyé les gendarmes ou on a doublé le salaire des flics. Ce qui fait que les retardataires se sont trouvés coincés ou que des tentatives de récupération ont tourné court parce que tout était bien gardé. En une semaine, on a compté 12 morts et des centaines de blessés (certains dans le bris des vitrines).
Si ce mouvement s’est terminé souvent dans la douleur parce que les flics , ayant obtenu une rallonge de 50%, ont repris leur travail de répression, cette concession était plus que nécessaire en face de ce qui se profile dans la montée d’un puissant mouvement social.
Le pays se trouve pris dans une tourmente économique qui est chaque jour plus aigüe L’inflation dépasse 30%, les produits de base ont disparu des supermarchés, les commerçants n’affichent plus les prix qui s’envolent au jour le jour. Le billet de métro est passé de 2,50 pesos à 6 pesos, des coupures d’électricité peuvent durer plusieurs semaines, la monnaie nationale, le peso, est abandonnée pour un marché noir du dollar. De nouveau comme en décembre 2001 des concerts de casseroles (cacerolazos) sont réapparus contre les coupures d’électricité. Est-ce le début d’un mouvement global de protestation ?
COREE DU SUD
– *La baisse des taux d’intérêt et la relance de la consommation ont entraîné la délivrance de cartes de crédit et ont causé un bond de 184 % de l’endettement de 20 % de la population. 300 000 foyers ont dû avoir recours à un fonds spécial « Happiness fund » (sic) pour les aider à gérer leurs dettes. Parallèlement, la multiplication de ce crédit facile et peu encadré a favorisé une énorme fraude sur les cartes de crédit, ce qui a provoqué une panique pour les titulaires de compte devant par milliers entamer des démarches pour récupérer leurs avoirs; les queues devant les guichets des banques ont parfois tourné à l’émeute
*« Comment allez-vous ces jours-ci ? » : cette simple question, lancée par un étudiant en économie sur les murs de l’université et sur Facebook, en tête d’un texte dénonçant la corruption et l’austérité, est devenue à l’insu de son auteur le ralliement de toutes les oppositions, notamment dans les milieux de l’éducation, au point que le ministre concerné en a fait interdire l’affichage et la mention dans les établissements scolaires. Il s’y est souvent ajouté la phrase suivante : « N’avez-vous pas de problèmes à ignorer les questions politiques ? » Le1er janvier, un homme s’est immolé par le feu pour demander la démission de la présidente Park avec un panneau où l’on pouvait lire : « Comment allez-vous ces jours-ci ? »
MEXIQUE
– La méthode expéditive. Depuis le 28 août dernier, plusieurs chauffeurs de bus de Ciudad Juarez ont été exécutés de sang-froid par une femme qui se revendique « Diana, la chasseresse des chauffeurs de bus ». Dans un message, elle se veut vengeresse des assauts sexuels sur les femmes qui rentrent tard de leur exploitation dans les usines de la Maquiladora. La ville a longtemps détenu le record des meurtres et des viols de femmes, ouvrières pour la plupart (au minimum 800 dans les vingt dernières années). Depuis, des chauffeurs de bus abandonnent leur emploi.
LA GREVE ET RIEN D’AUTRE
INDE Quelques grèves locales parmi bien d’autres, rien qu’en janvier 2014 :
*Maharastra : les enseignants manifestent pour les salaires et l’intégration de temporaires. Une grève pour les mêmes revendications en mars 2013 a duré quarante-deux jours ;
*Tamil Nadu : 800 travailleurs des transports publics manifestent pour le paiement de primes ;
*Kerala : les travailleurs d’une carrière de granit occupent le site pour obtenir l’arrestation du propriétaire qui a tiré au fusil sur 2 syndicalistes, ils demandent l’application du minimum légal des salaires.
ILES FIDJI
–* 400 travailleurs du Sheraton Hotel et d’autres établissements hôteliers se mettent en grève le 31 décembre contre des suppressions de postes. Les directions cèdent après quatre heures, avec promesse de discussion.
CANADA
– *5/01/2014 – Les 160 travailleurs de la firme Horizon Plastics International à Cobourg dans l’Ontario n’ont pas besoin de se mettre en grève suite à leur refus des propositions patronales concernant le renouvellement du contrat collectif qui impose notamment l’emploi de temporaires et le blocage des salaires : le patron décide d’un lock-out, une fermeture temporaire.
ETATS-UNIS
– *Le plus grand fabricant de conteneurs des USA, Silgan Containers Corporation, possède 3 usines à Modesto en Californie mais chacune sous des statuts différents, et avec des contrats de travail distincts. Dans l’une d’elles, le renouvellement du contrat collectif permet au patron de tenter d’imposer le blocage des salaires sur deux ans. Le refus des 100 travailleurs de se plier à ces conditions entraîne le lock-out patronal.
*9/10/2013 –Les chauffeurs de bus scolaires de la ville de Boston ( une compagnie privée filiale de Veolia) avaient récemment accepté un nouveau contrat collectif . Mais , pour compenser les concessions sur ce contrat, Veolia a tant modifié les conditions de travail ( limitation des pauses, , introduction de GPS d’espionnage ,etc..) que des réclamations ont été introduites, en vain, devant le National Labor Relations Board. De guerre lasse les chauffeurs ont décidé le matin du 8 octobre « qu’assez était assez » et ont entamé sur le champ une grève sauvage, laissant les 38 000 enfants de la ville bloqués à la maison. Le mouvement a été désavoué non seulement par les autorités de la ville mais aussi par le syndicat (United Steelworkers) qui a ordonné la reprise du travail immédiate. Quand un des dirigeants du syndicat tenta de haranguer en ce sens un groupe de 100 chauffeurs dans un dépôt, il fut si hué qu’il dut abandonner. Sur l’annonce de pourparlers et l’abandon de toute sanction, la reprise fut totale le jeudi 10 octobre.. Mais , la grève finie et la rapport de forces rentré dans la « normale », les promesses patronales s’envolent: début novembre 5 chauffeurs étaient suspendus en attente de procédure interne et deux déjà licenciés pour leur participation active à la grève.
EUROPE
–* Décembre 2013 – Un peu partout où Amazon est implanté, des documents révèlent les conditions de travail où se combinent les techniques les plus modernes et des conditions d’exploitation du début du capitalisme. Comme il est imposé à ces esclaves modernes de garder le silence sur ce qu’ils subissent au travail sous peine de renvoi immédiat (délation encouragée), le seul moyen d’en savoir plus est de se faire embaucher, ce qui est facile vu le turnover et l’emploi de temporaires saisonniers. Ce que des journalistes ont fait tant en France qu’en Allemagne ; dans l’ouvrage En Amazonie : infiltré dans « le meilleur des mondes » est décrit ce que l’auteur J.B Malet a vécu pendant une année avec les 1 200 exploités du centre de Montélimar. En Allemagne, le syndicat des services Verdi a cru pouvoir lancer le 16 décembre des grèves dans les 3 centres allemands d’Amazon, deux semaines avant Noël, pour plus d’efficacité. Les débrayages ont été limités et séparément dans les 3 sites de Bavière, Hesse et Saxe, bien que sur 2 sites la grève ait duré une semaine. Les revendications portent sur les salaires (actuellement de 9,55 euros l’heure) et sur moins de précarité. Le problème est qu’à côté des 9 000 travailleurs permanents, sont exploités 14 000 saisonniers (avec une majorité d’immigrés).
Cette situation explique le succès très limité de la grève (1 155 permanents grévistes sur 9 000). On peut rapprocher ces difficultés de lutter à d’autres secteurs, où l’on retrouve une majorité de précaires et un important turnover comme par exemple dans la restauration rapide (voir précédents bulletins sur des tentatives de luttes dans ce secteur aux USA, ou il y a des années en France).
HAÏTI
–* Depuis décembre 2013, constantes manifestations pour des augmentations de salaires.
COREE DU SUD
– *Le gouvernement ayant exprimé son intention de privatiser la seule ligne TGV du pays, le syndicat majoritaire Kctu considérant que c’est l’amorce d’une privatisation entraînant un durcissement des conditions de travail lance la grève illimitée de tout le réseau ferré Korail (Korean Rail), le 9 décembre 2013.
Le 22 décembre, 4 000 flics sont lancés contre le siège central du Kctu défendu par 800 cheminots : 130 arrestations. Le 28 décembre, le Kctu lance une grève générale d’une journée pour dénoncer la répression syndicale et le droit à la grève pour les cheminots, la leur ayant été déclarée illégale. Mais, même si elle réunit plusieurs dizaines de manifestants à Séoul et dans les grandes villes du pays, elle n’est pas un succès et cela accentue la démobilisation de la grève de Korail.
Fin décembre, après trois semaines de grève, 8 000 cheminots sur 35 000 sont encore en grève et 1 110 grévistes « d’origine » ont repris le travail, 7 900 ont été suspendus, des menaces de licenciements pèsent sur 186 d’entre eux, 25 font l’objet de poursuites judiciaires. Seuls 2 ont été arrêtés, les autres ont plongé dans la clandestinité.
Ce qui fait que le 30 décembre, le Kctu décide la fin de la grève, une fin peu honorable car basée uniquement sur la promesse de la constitution d’une commission parlementaire , soi-disant contre toute privatisation, incluant les partis d’opposition mais pas les syndicats. Cela sonne pourtant comme une défaite car les poursuites judiciaires sont maintenues, des sanctions menacent 490 cheminots et de juteuses compensations financières sont demandées au Kctu par Korail sous le prétexte que la grève était illégale car politique, ne concernant pas les conditions de travail.
FRANCE
– *1/01/2014 – Début de la grève totale et illimitée des marins de la SNCM, une des compagnies assurant le trafic entre le continent et la Corse. Une des raisons de la grève réside dans les difficultés financières de la compagnie, soumise à la concurrence déloyale de l’autre compagnie assurant les mêmes liaisons — Corsica ferries, battant pavillon italien et pouvant recruter des marins étrangers sous-payés.
La grève très suivie bloque une partie du trafic voyageurs et surtout le trafic Fret qui ne peut trouver place dans les navires de Corsica, qui de plus sert d’abord ses clients réguliers. D’où une grève des routiers de Corse qui bloquent les ports et interdisent tout trafic de camions avec le continent. La grève se termine par l’acceptation d’une suppression de 500 postes par départs volontaires, la commande de 2 navires supplémentaires et une participation de l’Etat. Aussi, promesse est faite de contraindre les compagnies Corse-Continent à se mettre sous pavillon français et d’avoir un équipage soumis aux lois du travail françaises.
Bien qu’on n’en parle guère (consigne du silence sur le climat social), rien qu’en décembre 2013 et janvier 2014, de multiples grèves localisées, notamment lors de la fermeture d’usines (et on en oublie ou elles ne sont pas médiatisées)
*17/12/2013 – Journal gratuit 20 minutes – Grève contre la suppression de 13 postes sur 213 journalistes.
*22/12/2013 – Grève des sages-femmes depuis deux mois mais elles sont assignées pour assurer la continuité des soins. La grève ne se traduit que par des refus de la paperasserie administrative et des manifs.
*1/01/2014 – Grève de la SNCM (voir article).
*5/01/2014 – Aéroport de Roissy – Menacés par un plan de licenciement, les employés au sol de Lufthansa France débraient du 3 au 6 janvier contre la suppression de 199 postes sur 262. Nouvelle grève envisagée.
1*4/01/2014 – Grève nationale d’une journée sur les différents sites de Sanofi sur appel syndical pour les salaires, la transformation des CDD en CDI.
*15/01/2104 – Grève des pompiers de Saône-et-Loire sur les horaires de travail et les conditions de logement.
*17/01/2014 – République du Centre : grève avec occupation contre la suppression de 60 postes sur 250 et pour l’augmentation des indemnités de départ. Le 2 janvier, séquestration de 2 dirigeants pendant vingt-quatre heures.
*22/01/2014 – Grève de 320 journalistes du Parisien contre la réduction du remboursement des frais.
*23/01/2014 – Montauban : grève de Sedimap et de sa filiale Teamtec (géolocalisation) de 25 travailleurs contre la menace de liquidation de l’entreprise et une reprise avec licenciements. Le même jour, débrayage pour les salaires impayés à Sanimat Santé. Agitation également dans le secteur hospitalier de la ville.
GRANDE BRETAGNE
—*4/2/2014—grève de 48 h du réseau du métro londonien, lancée , après vote majoritaire, par le syndicat Rail Maritime Transport Union (RMT) très suivie, entraînant un chaos total. Ceci malgré le syndicat des conducteurs ASLEF qui a autorisé ses membres traverser les piquets de grève et la tentative d’embaucher des jaunes pour briser la grève. Le mouvement veut s’opposer à la suppression de 1 000 postes et la fermeture de 350 points de vente de billets.
ARGENTINE
– *7/01/2014 – Neuquen – Les infirmières des hôpitaux locaux en grève depuis le 26/12, bien que sous contrainte de la réquisition, n’en font qu’un minimum, manifestent et bloquent les routes, pour une augmentation des salaires comprise entre 30 et 40 %. Les directions tentent de briser la grève avec l’emploi de retraités et de jeunes recrues. Réplique : menace de 500 d’entre elles de démissionner si les revendications ne sont pas satisfaites.
ITALIE
– *29/01/2014 -– Usines Electrolux , firme suédoise des appareils électriques: grève contre une tentative de baisse des salaires de 130 euros ( 8%) pour les 5 700 ouvriers de ses quatre usines d’Italie.qui gagnent en moyenne 1 400 euros mensuels Mais en fait la baisse des salaires serait plus importante ( près de 40%) car les horaires des équipes serait modifiés et la prime d’ancienneté supprimée., ce qui aboutirait à des salaires moyens entre 7 et 800 euros mensuels Le but serait d’aligner les coûts de production sur ceux des travailleurs polonais de la firme. Dans le passé, Electrolux a déjà fermé des usines en Allemagne et en France pour les mêmes raisons. Grèves et manifestations n’ont, jusqu’à présent pas changé grand-chose.. L’Italie a pourtant en Europe occidentale les salaries horaires les plus bas.
VENEZUELA
– 7/10/2013 –Ciudad Guayana. Orinico Steelworks (SIDOR), la plus grande aciérie du pays, entreprise d’Etat Inflation, manque de produits de première nécessité et la disparition de Chavez ont fait que les 14 000 travailleurs n’ont plus de complexes pour entrer en lutte. La grève commence à la mi-septembre par des protestations de la base qui débraient alors que des négociations traînent pour le remplacement du contrat collectif expiré depuis trois ans et qu’il semble que les primes annuelles ont été minimisées. Une partie des syndicats soutient la grève mais une autre fraction syndicale prenant position pour le gouvernement et les dirigeants de l’usine .tente de persuader les ouvriers de reprendre le travail. Pour le moment, il ne s’agit que de joutes oratoires lors de meetings distincts mais comme le déclare un travailleur « On ne comprend rien à tout ça » d’autant plus que tout le monde se réclame de Chavez. Son héritier au pouvoir Maduro accuse des ingérences étrangères , déclare la grève illégale et somme les grévistes de reprendre le travail immédiatement sous la menace de mesures énergiques. La grève cesse le 2 octobre avec un accord entre la direction et un des syndicats sur la montant des primes considérées. Mais il faut croire que cet accord n’a pas doné satisfaction car une nouvelle grève de 48 h éclate les 8 et 9 novembre 2013 avec les mêmes revendications.
MANIFESTATIONS, OCCUPATIONS TOURNANT A L’EMEUTE
AFRIQUE DU SUD
– *13/01/2014 – Une manifestation des habitants de Brits, dans la banlieue de Pretoria, privés d’eau depuis plusieurs mois, tourne à l’aigre et est attaquée par les flics : 2 morts par balles, 2 autres morts jetés d’une voiture de police.
*28/01/2014 – Relela près de Tzaneen (Limpopo) : la découverte des cadavres d’une femme et d’un enfant déclenche une chasse aux suspects : relâchés par la police, leurs habitations sont incendiées. 1 500 manifestants attaquent le commissariat avec des pierres et des cocktails Molotov : 15 flics blessés, 19 voitures incendiées. Les flics tirent, 3 tués, 9 arrestations.
TUNISIE
– *14/4/2014 – L’instauration d’une taxe sur les transports privés et professionnels dans la région déclenche blocages routiers et manifs à Feriana, dans la région de Kasserine. Des centaines de manifestants attaquent les perceptions, les commissariats, les banques et les bâtiments municipaux, et les incendient. Des mouvements semblables à Thala et Meknassy (région de Sidi Bouzid). Le 18 janvier à Ksar (Gafza), des chômeurs bloquent la voie ferrée servant à l’acheminement des phosphates, pour avoir un emploi.
TURQUIE
– *27/12/2013 – Enlisé dans des scandales à répétition et l’importance de la corruption, le gouvernement proche des Frères musulmans doit faire face à une contestation d’autant plus importante que la crise frappe de plein fouet les conditions de vie ; les manifestations récurrentes sont durement réprimées : des blessés et 31 arrestations.
VIETNAM
– *9/01/2014 – Une explosion de violence qui illustre les tensions sociales. Personne ne peut expliquer correctement cette explosion soudaine sur un site de construction sauf qu’elle se produit sans aucun doute dans le cadre d’une violence de classe latente. Le Vietnam est le lieu privilégié de délocalisations depuis la Chine des firmes de l’électronique (Samsung, Intel, Nokia, entre autres). Sur le chantier de construction d’une usine géante pour Samsung, dans la province de Thai Nguyen, un de ces travailleurs anonymes veut entrer par une porte interdite : il est pris à partie par un garde et roué de coups. Aussitôt, tous les travailleurs qui ont eu à subir de telles exactions se solidarisent, attaquent les gardes avec des briques et des pierres abondantes sur ce chantier, incendient leurs motos, détruisent le matériel et leurs logements provisoires. La chasse aux gardes dure plusieurs heures puis s’arrête. On ne sait rien de la répression.
ALGERIE
– *28/12/2013 – Émeutes récurrentes dans tous les quartiers d’Alger et ailleurs en Algérie ; dans le quartier d’el Hamiz, barrages routiers contre une attribution préférentielle de logements sociaux. A El Hamir, contre l’état déplorable du réseau routier, à Cheraraba, Ain el Malha, des affrontements témoignent d’une tension constante, à Baraki dans 2 bidonvilles ces affrontements durent cinq jours, à Douera : barrages routiers.
CHINE
– *Entre le 1/12/13 et le 7/01/2014, la Chine a connu 72 grèves pour des salaires impayés, notamment dans le bâtiment, chez les sous-traitants. Ces confits sont encore plus fréquents à l’approche du Nouvel an chinois le 31 janvier, le retour au pays en cette occasion devant se faire avec de quoi payer festivités et cadeaux.
*23/12/2013 – À Wenzhou, les travailleurs d’une usine de chaussures en faillite manifestent dans la ville pour le paiement des salaires.
*2/01/2014 – Zhengzhou, des centaines de migrants se mettent à genoux pendant des heures sur le site de construction pour le paiement de mois de salaires.
*3/01/2014 – Lanzhou. 6 travailleurs montent sur le toit d’un bâtiment de 9 étages et menacent de sauter dans le vide si les 32 000 euros qui leur sont dus ne sont pas payés immédiatement.
CAMBODGE
–* Depuis plusieurs mois, les ouvriers du textile (650 000 dont 400 000 œuvrant pour des multinationales) manifestent ou font grève pour obtenir une revalorisation des salaires (actuellement de 64 euros mensuels avec une promesse de 76 euros en avril 2014). Les syndicats, devant la montée des arrêts de travail, se trouvent contraints de lancer une grève générale le 24 décembre 2013. Cette agitation est en partie exploitée par le parti d’opposition, le Parti national du secours cambodgien. Le 2/01/2014, le gouvernement offre 80 euros immédiatement si le travail reprend. Mais manifestations et grèves continuent. Le 2 janvier, les flics virent les ouvriers d’une usine occupée dans la banlieue de la capitale.
*Le 3/01/2014, la police tire à balles réelles sur une manifestation des travailleurs du textile à Phnom Penh, armés de pierres et de cocktails Molotov : 5 morts et au moins 12 blessés sérieux, 23 arrestations. Le 4 janvier, les flics virent les manifestants de la place de la Liberté à Phnom Penh et quadrillent toutes les rues de la ville avec blindés et mitrailleuses. Les manifestations sont interdites et les activistes syndicaux doivent entrer dans la clandestinité pour échapper aux arrestations. 23 de ceux-ci arrêtés sont tenus au secret. Le 8 janvier, après quinze jours de grève, le syndicat ordonne la reprise du travail. Le 15 janvier, les travailleurs des 500 usines de confection commencent à reprendre le travail mais beaucoup d’entre eux sont retournés dans leurs villages. La grève ne cesse pas pour autant : le même jour, 2 usines distinctes sont occupées pour le paiement des salaires et des jours de grève.
De toute évidence, le gouvernement entend maintenir de bas coût de la force de travail pour rester un des lieux privilégiés de la délocalisation de Chine. Le réservoir de main d’œuvre est effectivement attrayant : 80 % de la population vit dans les campagnes d’une agriculture de subsistance, avec un taux de pauvreté dépassant 32 %. La plus grosse partie des entreprises délocalisées étant aux mains de firmes coréennes, et la Corée du Sud envisageant d’en faire un lieu de délocalisation pour l’électronique, le gouvernement coréen a observé les grèves avec une attention particulière. L’ambassade de Corée a encouragé le gouvernement à « comprendre la situation et à agir rapidement ». On aurait même identifié des agents de sécurité coréens (peut-être des militaires) dans les patrouilles qui « assuraient la sécurité » dans la zone industrielle de Canadia Industrial Park.
De leur côté, les employeurs ont félicité le gouvernement en ces termes : « Nous sommes convaincus que si les travailleurs voient que le gouvernement maintient la loi et l’ordre, ils reprendront le travail dans quelques jours », ce que confirme le gouvernement en maintenant l’interdiction de manifester jusqu’à ce que « la sécurité et l’ordre public soient rétablis ».
ITALIE
– *31/12/2013 – D’après l’Institut de statistique, la pauvreté en Italie a atteint son plus haut niveau depuis seize années. Le revenu mensuel moyen de 991 euros a diminué de 6 % dans le nord et de 26 % dans le sud ; le taux de chômage de 12,5 % atteint 41 % chez les jeunes.
BANGLADESH
– *Décembre 2013-Janvier 2014 – Dans les précédents bulletins, nous avons déjà évoqué le mélange de 2 luttes parallèles : l’une politique avec des affrontements violents entre les 2 principaux partis, la ligue Awami proche de l’hindouisme et le Bangladesh national party (BNP) d’obédience musulmane, l’autre comme un conflit social permanent des travailleurs surexploités, notamment dans l’industrie textile.
Les dernières élections, le 5 janvier dernier, ont ramené au pouvoir la ligue Awami mais après une longue campagne électorale marquée par une répression politique accrue (notamment, la pendaison d’un chef musulman jugé responsable des atrocités commises dans la guerre d’indépendance de 1973 – entre 500 000 et 3 millions de tués), et une violence inégalée, non seulement dans des journées de grèves nationales politiques (les « hartals » qui, en 2013, ont laissé 300 morts) mais aussi dans l’incendie des bureaux de vote (100 écoles ont été incendiées).. (507 bureaux de vote n’ont pu fonctionner et seulement 25% des inscrits ont participé au vote). De toute façon, les deux partis représentent seulement deux fractions distinctes de la bourgeoisie et sont également hostiles à un mouvement syndical indépendant de la classe ouvrière ou des masses paysannes; alors qu’ils sont au pouvoir, les uns et les autres n’ont jamais hésité à utiliser la police et l’armée et à faire tirer sur toute manifestation sociale d’une révolte contre une condition misérable.
Parallèlement, les grèves dans le secteur textile succèdent aux grèves et on ne peut que citer les plus récentes :
*11 novembre, des milliers de personnes manifestent dans la banlieue de Dhaka et les patrons ferment 100 usines du secteur par crainte de contagion. La répression laisse 30 blessés ;
*14 novembre, un accord conclu avec le patronat porte les salaires dans le secteur de 32 euros mensuels à 54 euros ; c’est largement insuffisant et de nouvelles grèves éclatent aussitôt ;
*26 novembre, l’usine de Multifibers Ltd à Gazipur (banlieue de Dhaka) est en grève pour demander la parité avec les autres usines du groupe, d’autres usines des environs débraient aussi ;
*1er janvier 2014, toujours à Gazipur, l’usine de Quater Synthetics est en grève à cause d’une promesse antérieure d’augmentation de 11 euros mensuels) par mois non tenue (les salaires sont compris entre 36 et 38 euros) ;
*9 janvier 2014, dans la zone d’exportation coréenne du port le plus important pour les exportations, Chittagong, 5 000 travailleurs d’une usine de chaussures débraient après des rumeurs sur la suppression de pourtant médiocres avantages sociaux (les salaires sont en moyenne de 40 euros mensuels). L’usine occupée est saccagée. Par crainte de voir le port bloqué, la répression monte d’un degré, la police tire à balles réelles : une femme tuée, 15 blessés sérieux.
Il faut croire que, malgré grèves et insécurité, les profits en valent la peine car, malgré ce sombre tableau, les exportations dans le secteur textile se sont accrues de 21 % en 2013sur 2012 et en novembre 2013, elles ont bondi de 29 %.
ETATS-UNIS
– *23/01/2014 – La Silicon Valley en Californie n’est plus un eldorado. Spéculation immobilière et dégradation des services publics à cause de la crise font que nombre d’habitants de San Francisco sont tributaires des transports publics déficients et qu’ils mettent les pieds dans le plat : sur le terrain, blocages routiers, vandalisations des bus. De plus, la crise dans les autres régions fait de la Silicon Valley une sorte de « miroir aux alouettes » qui attire des nouveaux migrants, ce qui aggrave les conditions de vie dans toute la région.
IMMIGRATION
ISRAËL
–* Le débat politique masque la situation économique réelle. Sur 8 millions d’habitants, 1,7 million sont sous le seuil de pauvreté (640 euros par personne, 1 000 euros pour un couple), 33 % sont des enfants ; le taux est passé de 20 % à 23 % en 2013. Un paradoxe : parmi ces pauvres, 200 000 survivants de la Shoah qui, dans les camps, rêvaient de la Terre promise.
Enorme disparité entre riches et pauvres : 20 familles dominent toute l’économie du pays et contrôlent avec la moitié du stock d’actions 25 % des grandes entreprises. Autre paradoxe, les Israéliens qui le peuvent émigrent aux USA et même en Allemagne. Mais l’économie tourne avec une sous-classe formée non seulement des immigrés mais aussi des juifs émigrés d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Ces derniers, les « mizrahim », sont payés 40 % de moins que les autres juifs, au même niveau que les immigrants légaux non juifs (sous statut précaire de trois mois renouvelables si bien dociles), Philippins dans la santé, Chinois dans le bâtiment…
Mais, encore plus inférieurs dans la hiérarchie économique, les immigrés clandestins originaires des pays chrétiens d’Afrique (Ethiopie, Sud-Soudan) qui, par dizaines de milliers, rançonnés par les tribus bédouines, ont traversé le désert du Sinaï pour s’entasser dans les taudis des faubourgs de Tel Aviv, victimes de fréquentes attaques racistes et exploités dans les conditions que l’on peut imaginer dans la restauration, les hôtels, le nettoyage et tous les autres services à la personne, et bien Israël voudrait se débarrasser d’eux.
Le gouvernement a édifié une barrière électronique de sécurité de 240 kilomètres qui interdit pratiquement tout passage. Parallèlement, le Parlement a voté le 10 décembre une loi autorisant la détention illimitée des immigrants sans visa. Ceux qui sont pris au piège — 60 000, certains depuis 2006 —, rejetés d’un droit d’asile hypothétique et considérés comme illégaux, sont pourchassés et internés dans des centres de rétention où ils risquent de rester longtemps car inexpulsables, faute d’accord avec leur pays d’origine.
Leur révolte a commencé, très limitée, pour devenir un puissant mouvement : 200 immigrés clandestins manifestent le 16 décembre, ils sont des milliers le 28 décembre et des dizaines de milliers le 5 janvier Le 6 janvier, ils sont devant les ambassades des pays européens et des USA. Le 8 janvier, ils sont 10 000 devant le Parlement à Jérusalem. Ils se mettent en grève illimitée, la suspende le 13 janvier mais sa reprise peut intervenir d’un moment à l’autre.
Réponse de Netanyahou : « Les protestations et la grève n’y changeront rien, ce ne sont pas des réfugiés mais des travailleurs immigrés illégaux qui seront traduits en justice. » Il ajoute que leur présence est une menace à l’identité juive. Des contre-manifestations et des agressions de la part d’Israéliens hostiles aux immigrés prennent un caractère nettement raciste.
NEPAL
– *15/12/2013 – 2,5 millions de Népalais travaillent dans les pays du Golfe et en Malaisie sous contrat temporaire. 400 000 partiraient ainsi chaque années se faire exploiter dans les pires conditions mais reviennent au bout de deux ou trois ans avec un pécule, sauf ceux qui ont laissé leur peau en cours de route : chaque jour, l’aéroport de Katmandou accueille deux cercueils de ceux que la famille peut « rapatrier », les pieds devant.
HONG-KONG
– *19/01/2014 – Ils sont 300 000 dont 15 000 Indonésiens à être exploités dans la domesticité. Une indonésienne de 23 ans malmenée et violée par ses patrons est « la goutte » qui fait déborder le vase : ils sont 5 000 de ces « domestiques » à manifester et promettent de recommencer aussitôt que possible.
PALESTINE
– Dans l’environnement d’Israël vivent 5 millions de Palestiniens expulsés de l’Etat d’Israël en 1948-49 (et leurs descendants), parqués depuis soixante ans dans des camps de Gaza, Cisjordanie, Jordanie, Syrie et Liban, sous perfusion de l’ONU, les services essentiels étant assurés par 4 500 employés de l’Unrwa (The United Nations Relief and Works Agency). Cet organisme, subventionné par l’ONU et des dons divers des Etats, à cause de la crise, a vu ses crédits de fonctionnement diminuer alors que le nombre des réfugiés et de leurs descendants augmentait. En Cisjordanie, où s’entassent dans 19 camps 740 000 Palestiniens, ces employés sont aussi des Palestiniens. Récemment, pour combler le déficit, 55 employés ont été licenciés. D’autres employés se sont mis en grève le 3 décembre, revendiquant une augmentation de 10 %, l’alignement de leurs conditions de travail sur les employés des camps de Gaza et la réintégration des 55 licenciés. Cette grève perturbe sérieusement la vie des camps car il n’y a plus les services essentiels, ceux procédant à la distribution de la nourriture et à l’approvisionnement en eaux, les écoles, les services hospitaliers, le ramassage des ordures, etc. Par exemple, dans un des principaux camps proches de Ramallah, Jalazoum, 15 000 « résidents », il n’y a plus d’école, de clinique, les ordures s’empilent dans les rues et une tempête de neige n’arrange rien. Une agitation sauvage monte dans les camps dont sortent les « résidents », jeunes pour la plupart, qui bloquent les routes proches.
La réponse des autorités de l’Unrwa est qu’il n’y a pas d’argent (le déficit de gestion est de 52 millions d’euros) et elles campent sur leur refus, espérant que le mouvement finira par pourrir. Au-delà de ce problème interne, il y a une pression des autorités palestiniennes qui pensent qu’une augmentation de salaire dans ce secteur peut faire exploser une demande de l’ensemble des salariés de Cisjordanie : déjà, les salaires de ces Palestiniens en grève sont supérieurs de 20 % aux salaires versés dans le reste du pays. Le 6 janvier, alors que la grève se prolonge, une rencontre entre les dirigeants de l’Unrwa, le syndicat et le gouvernement palestinien n’a rien donné. Un jour de grève de solidarité organisé à Gaza par les 13 000 salariés de l’Unrwa de ce territoire non plus. Mais un autre problème se pose, venant des « résidents » eux-mêmes : privés de tous les services publics essentiels, manquant de nourriture et d’eau, croulant sous les ordures, une autre révolte est née, venant essentiellement de la part des jeunes. Ceux-ci sont sortis des camps le 9 janvier pour bloquer les routes avoisinantes, se battant avec les flics palestiniens venus le 12 janvier les déloger : 40 flics blessés et seulement 10 du côté des résistants. C’est alors que l’armée israélienne est intervenue près du camp de Jalazoum, tirant à balles réelles et faisant 4 blessés (en décembre, un jeune avait été tué dans les voisinage du camp).
D’un autre côté, le désespoir conduit 23 des grévistes à mener une grève de la faim ; 3 d’entre eux ont dû être hospitalisés après six jours. Le 15 janvier, après quarante jours de grève, aucun signe de changement. Le gouvernement palestinien hésite entre une répression plus violente et le gouvernement israélien craint que la situation ne génère un nouvel intifada.
QUATAR
– *Novembre 2013 – Il a fallu le mondial de foot pour que les médias se penchent sur la situation des immigrés qui contribuent par leur surexploitation à la gloire du foot et des richesses publicitaires qui le nourrissent. Le 25 septembre, le quotidien anglais Guardian dénonçait la mort de 44 ouvriers sur le chantier d’un stade en construction entre juin et août. Le 10 novembre, un rapporteur de l’ONU surenchérit : « Certains immigrants ne reçoivent pas leur salaire ou sont payés moins que le salaire convenu. Je suis également préoccupé par le niveau des accidents et les conditions périlleuses menant à des accidents et à la mort. » Comme il n’y a pas de nationaux exploitables (300 000), les 1 700 000 immigrants qui forment le reste de la population devront être « complétés » par un million d’ouvriers supplémentaires. Le système est verrouillé pour garder les esclaves sous contrôle. Le « kafala » consiste à retirer le passeport aux immigrés pour les astreindre à des rapports de subordination inacceptables. En fin d’année 2013, le comité d’organisation du Mondial veut publier des « normes de protection des travailleurs ».
ETATS-UNIS
—août 2013—La mort dans le désert de l’Arizona ( pas seulement d’épuisement, de soif mais de morsures de serpents ou de scorpions) attend les migrants venus de toute l’Amérique Centrale à travers la frontière mexicaine. Alors que ces migrants sont pourchassés par des patrouilles policières des groupes de volontaires sous l’étiquette « no more deaths » patrouillent eux aussi pour leur offrir eau et nourriture habits et soins Les rapports avec les flics ne sont pas spécialement amènes. Récemment des poursuites judiciaires ont été engagées contre certains d’entre ces volontaires qui avaient déposé des jerricans d’eau sur un trajet supposé des migrants sous l’inculpation d’avoir souillé le désert.
EN MARGE DES LUTTES OUVRIERES
Dans le précédent bulletin, nous avions tenté une approche des mouvements, très confus dans différents pays, différenciés de la lutte de classe mais associant néanmoins travailleurs et précaires. Pour la France, le mouvement des Bonnets rouges vite éteint présentait ces mêmes caractères. L’Italie a connu un mouvement identique, celui des Forconi (les fourches). Fondé il y a deux ans en Sicile, regroupant les patrons de petites entreprises et les fermiers, revendiquant l’autonomie de la Sicile, il était un assemblage hétéroclite de travailleurs agricoles, de routiers, de chômeurs, de retraités, de précaires, d’étudiants, d’ouvriers, qui tous avaient de bonnes mais divergentes raisons de s’élever cotre le système. Poussé par la crise et par les mesures d’austérité, le mouvement a franchi de détroit de Messine pour essaimer dans toute la péninsule et engranger le même foullis de protestataires hétéroclites. Il a pu, le 9 décembre 2013, organiser un mouvement national de blocage des routes, des chemins de fer, occuper des mairies, les gares des principales villes d’Italie. Il s’est quelque peu alors affronté avec les flics. Le soutien de Beppe Grillo et de Berlusconi n’était pas spécialement un cadeau. Mais le succès de l’action du 9 décembre lui a donné des ailes pour tenter une grande manifestation à Rome le 18 décembre : il ne réussit qu’à rassembler 15 000 manifestants et ce fut son chant du cygne. Comme pour les Bonnets rouges en France, on ne parle plus des Forconi en Italie.
LES MUTATIONS DU CAPITALISME
SUD-EST ASIATIQUE
– L’augmentation des coûts de production en Chine, sous les coups de bélier de la lutte de classe, contraint les donneurs d’ordre à se tourner vers les pays du sud-est asiatique où l’important réservoir de main d’œuvre d’origine agricole et une pouvoir central autoritaire et aisément corrompu peuvent garantir, à la fois des conditions d’exploitation minimales, peu de réglementation sur le travail, aucune contrainte environnementale, et une paix sociale nécessaire au bon fonctionnement de l’exploitation (d’autres éléments peuvent aussi intervenir : un certain niveau d’instruction, des voies de communication faciles et sûres, etc.).
Les pays de destination de ces délocalisations ne manquent pas, aussi bien dans le sud-est asiatique que vers des continents plus lointains comme l’Inde et l’Afrique. Les investissements étant très faibles, ces transferts sont relativement aisés et souvent, même, les donneurs d’ordre peuvent trouver sur place des entreprises déjà établies qui ne demandent qu’à se développer. Bien sûr, lorsque l’on créée des prolétaires, on créée du même coup la lutte de classe. On parle ainsi de nombreuses batailles qui touchent d’abord les salaires, leur faible montant, et leur paiement plus que les conditions de travail (pourtant souvent dignes de celles du début du capitalisme). Où les choses se compliquent souvent, c’est que ces luttes peuvent servir de tremplin à des oppositions politiques tentant d’élargir leur influence. Nous verrons comment, par exemple au Bangladesh, ces conflits politiques peuvent se superposer aux conflits de classe. On pourrait même se demander si dans la concurrence entre pays de délocalisation, les conflits chez le voisin ne seraient pas manipulés pour faire fuir les investisseurs et les amener à s’installer chez soi.
MONDE
—décembre 2013—De l’utilisation de la « franchise » pour accroître les conditions d’exploitation. L’utilisation de ce mode de gestion est essentiellement concentré dans la restauration rapide qui a des marges de profit réduites. Mais pas seulement chez Burger King ou Macdo;Amazon, Wal’mart, Apple entre autres y sont aussi abonnés Le magasin sous franchise doit payer des royalties à la compagnie mère un pourcentage du chiffre d’affaires pas des profits, le coût du travail est la seule variable qui peut lui garantir un profit. C’est la raison pour laquelle on y trouve le plus grand nombre d’infractions avec la législation du travail à commencer par les salaires ( aux USA, les salaires des « franchisés » est 65% de celui des salariés des non franchisés du même secteur) et le temps de travail. Aux USA, contraints d’appliquer les minima de salaries les boîtes franchisées réduisent les effectifs ou les horaires( accroissant la charge de travail des restants)
CHINE
– 4/2/2014 Les entreprises chinoises se trouvent devant des problèmes que le capital a pu connaître dans les pays développés il y a lus d’un siècle: comment discipliner la force de travail pour qu’elle soit présente là où on l’attend.; Il est bien connu que pour le nouvel an chinois les migrants retournent dans leur village. C’est bien connu aussi que 30% d’entre eux ou ne retournent pas ou en profitent pour changer d’air.. Les dirigeants d’entreprise, pour garder leut exploités et d’assurer qu’ils ne partent pas avant et qu’ils retournent en temps utile, ont imaginé tout un système d’avantages pour s’assurer que les effectifs seront toujours au complet. ; Par exemple, leur payer le voyage, leur promettre une prime de retour, D’autres « avantages » sont aussi octroyés pour réduire le turnover.
LES CRIMES DU CAPITAL
CHINE
– *Janvier – L’exploitation du travail des enfants est répandue dans le monde entier. A Shenzhen, une firme de l’électronique exploite 70 mineurs âgés de 12 à 14 ans. Ceux-ci sont « recrutés » dans les zones frontalières du Sichuan parmi les minorités ethniques par des négriers qui continuent de percevoir des dîmes basées sur l’intensification de l’exploitation : plus de douze heures par jour.
*Dans le Zhejiang, une explosion dans une usine de chaussures tue 14 travailleurs.
* Le 31 décembre 2013, on a constaté que 3,33 millions d’hectares de terres arables sont trop pollués pour être cultivables, la superficie moyenne d’un département français.
* août 2013—Le communisme de marché n’a rien à envier au capitalisme de marché. La domination du capital par tous moyens génère ici comme ailleurs une vague de violence quotidienne . La Chine vit dans une période de transformation profonde où l’argent devient roi et où toutes sortes de conflits sociaux et de protestations surgissent. Parce que le port des armes est strictement interdit, la violence sociale individuelle d’individus totalement déboussolés par les exactions du système et leur déstabilisation sociale, ne s’exprime pas dans des attaques aux armes à feu individuelles et/ou collectives mais dans l’usage des armes blanches. En 2010, 4 attaques au couteau dans des écoles ont fait plus de 15 morts et 80 blessés. Récemment, après avoir acheté un couteau dans un supermarché, un homme attaque au hasard les clients; un autre poursuit une femme dans la rue avec une machette après avoir trucidé son mari, un troisième après une dispute avec une femme tue son bébé en le projetant sur le sol. Un homme dont on avait refusé d’enregistrer le 4ième enfant tue à l’arme blanche deux employés de l’état civil En juin un retraité mécontent du montant de sa pension incendie un bus brûlant 47 passagers dont lui-même. On pourrait dresser une longue liste de tels crimes commis pour les motifs les plus anodins et les plus divers qui ne dépassent pas souvent les limites des médias locaux. Mais leur nombre est si important que les autorités nationales ont décrété que pour acquérir un couteau dans un supermarché il faut faire enregistrer sa carte d’identité; mais cela, et pour cause, n’a eu aucun effet sur la fréquence de tous ces crimes. D’un autre côté, soi disant pour endiguer cette « extrême violence » , les patrouilles de flics ont été multipliées dans les lieux publics ( cafés, bars, hôtels,, massages, etc..) pour identifier les « suspects ». Il est bien évident que toute mesure ( qui relève plus d’ailleurs du contrôle politique) prise au nom du « respect de l’ordre » ne change rien à la pression sociale globale qui tient non seulement au régime politique mais aux conditions d’exploitation du travail et au fossé de plus en plus grand entre riches récemment enrichis et pauvres de plus en plus pauvres.
BANGLADESH
–1*7/01/2014 – Décompte macabre et fuite des responsabilités. Les victimes, familles des assassinés et blessés lors de l’effondrement de Rana Plaza où se trouvaient, chiffre officiel, 3 500 esclaves. Des décombres, on a extrait 1 133 corps dont seuls 833 ont été identifiés. Sur les 1 509 survivants, 611 ont subi de graves blessures. Jusqu’alors, 1,4 million d’euros ont été distribués à 700 familles (20 000 euros chacune). Un fonds d’indemnisation a fait l’objet en décembre 2013 d’un accord entre le syndicat patronal Bgmea et les syndicats, mais seules 4 firmes étrangères exploitant les travailleurs bangladais y ont contribué. Les 25 autres parmi les plus importants clients se défilent et refusent sous des prétextes divers d’alimenter le fonds d’indemnisation. L’administration locale a payé à chaque famille de victimes 200 euros pour les frais d’obsèques et une partie des salaires impayés lors de l’effondrement (32 euros par mois). Une bonne partie des exploités étaient de jeunes femmes dont les salaires alimentaient en partie la famille restée au village. Sur les 1 509 survivants, 63 % ont été blessés et 92 % n’ont pas retrouvé de travail. Une prétendue campagne de prévention destinée à déceler les risques d’incendie et d’effondrement n’a entraîné, en décembre 2013, l’inspection de seulement 150 usines sur les 5 000 du secteur de la confection.
SUD-SOUDAN
–* 20/01/2104 – Pétrole ensanglanté.
Les violences inter-ethniques recouvrent les luttes pour les puits de pétrole et leur pactole : plusieurs milliers de morts, 460 000 personnes déplacées, 86 000 réfugiées dans des camps.. Trois facteurs restent déterminants dans cette guerre civile:1) les compagnies pétrolière, pour contraindre les belligérants à s’entendre ont réduit leur production ce qui entraîne pour tous les belligérants des pertes importantes de ressources. 2) La Chine qui est le principal investisseur pétrolier peut faire une pression efficace pour contraindre à de pourparlers 3) les rivalités ethniques sont telles que toutes ces pressions pétrolières peuvent être inefficaces et le pays glisserait encore plus dans une guerre civile généralisée Les guerres autour du Soudat ont déjà fait plus de 2 milions de morts en quelques années.
TRINIDAD ET TOBAGO
– *7/01/2014 – « Trop riches pour être si pauvres » déclare un habitant de ces îles des Antilles où la richesse pétrolière côtoie une misère généralisée et une violence extrême. Le taux des crimes y est un des plus élevés du monde : 13 meurtres dans les sept premiers jours de janvier 2014.
ETATS-UNIS
– Malheureusement cela ne se passe pas qu’aux USA. Les restrictions de crédit des services publics ont réduit nationalement de 1950 à 2010, le nombre d’établissements psychiatriques de300 à 200 et le nombre de patients de 500 000 à 50 000. Tous ceux qui devraient normalement y être soignés se retrouvent en prison et leur nombre s’est accru avec la crise , de qui décuple les problèmes déjà inhérents à la privation de liberté dans des conditions d’autant plus contraignantes que là aussi les restrictions de crédit ont aggravé les conditions matérielles de détention et l’insécurité. En septembre dernier, selon les Etats des USA, le taux des prisonniers ayant des troubles mentaux évidents variait entre 10% et 51% du nombre des prisonniers.
LES VISAGES MULTIPLES DE LA REPRESSION
FRANCE
– *6/01/2014 – Caudebec-les-Elbeuf (Seine-Maritime, près de Rouen). Pour avoir participé à un feu de palettes à la porte de l’usine ADMN, un militant syndical est convoqué au commissariat sur plainte de la direction, en fait un montage bidon pour aboutir au licenciement de ce délégué. Manif devant le commissariat au cours de son « audition ».
SINGAPOUR
– *9/12/2013 – Dans le précédent bulletin, nous avons évoqué la brève révolte des Indiens immigrés lorsqu’un jour de repos et de libations, un bus blesse un jeune indien : la rue explose. Plus de 400 manifestants attaquent et incendient bus, ambulance, voitures de flics et autres véhicules, et tiennent plusieurs heures la rue face aux flics. 27 arrestations. Le lendemain, 4 000 travailleurs étrangers sont interrogés par les flics. En cas de poursuites pour « troubles à l’ordre public », la peine peut aller jusqu’à sept ans de prison, agrémentée d’une bastonnade.
ALLEMAGNE
– *20/12/2013 – Hambourg. D’imposantes manifestations contre une menace d’expulsion d’un squat, Rota Flora, et les maisons Esso : 2 000 flics déployés contre 10 000 manifestants, 120 arrestations, 500 blessés. Mais cela ne suffit pas car de multiples incidents et protestations concernent les immigrés, les squatters. Le samedi 4 janvier, la police de la ville déclare « zones interdites » les districts de St Pauli, d’Altona, Einsbuettel et Sternchauze. Dans ces zones, la police pourra interpeller, arrêter, fouiller et expulser hors district les « indésirables ». Le lendemain dimanche, 263 personnes sont ainsi ciblées et 62 expulsées du quartier.
Pour être complet, on doit ajouter que ces mêmes mesures comportant des interdictions de rassemblement, toute assemblée est immédiatement dispersée. Ces mesures seront maintenues jusqu’au printemps.
ESPAGNE
– *10//01/2014. La crise bat son plein : taux de chômage de 26 % globalement et 58 % pour les 16-24 ans (en décembre dernier, 47 % des nouveaux contrats de travail signés étaient d’une durée de moins d’un mois et la moitié de ceux-ci n’étaient que de sept jours).
Il est envisagé de réduire le montant des indemnités de licenciements. Entre 2011 et 2013, le coût unitaire de la main d’œuvre a diminué de 3,2% et 60 % des travailleurs sous-emploi gagnent moins de 1 000 euros mensuels. La tension sociale explose un peu partout et le gouvernement entend renforcer la répression pour faire rentrer travailleurs et chômeurs sous les fourches caudines de l’austérité.
A Melilla, la distribution annuelle par la mairie de CDD de 6 mois à 1 000 euros mensuels par la municipalité déclenche une émeute où, outre les barricades de pneus et les affrontements classiques, on sort les fusils de chasse… Cela se répète à Burgos où des milliers d’opposants politiques (chômage d’un côté et corruption de l’autre) à une décision de la municipalité de lancer un projet pharaonique de travaux dans la ville se battent avec les flics : 40 arrestations.
Ces répétitions autorisent le gouvernement à parler de « spirale de la violence », de « collectifs anti-système », de techniques de « guérilla urbaine ». Il projette une loi réprimant d’amendes de 3 000 euros à 600 000 euros et de peines de prison : le délit de blocage routier est étendu à la notion de blocage des transports (deux ans de prison), celui d’insulte au flic est étendu à la résistance à l’autorité (quatre ans de taule), organiser une manif sans autorisation revient à appeler à manifester sur les réseaux sociaux (un an de cabane). Et, cerise sur le gâteau, un nouveau délit de « résistance active ou passive à grande échelle » est considéré comme une « atteinte à l’autorité ».
BRESIL
– *3/01/2014 – Pour « sécuriser » la coupe du monde de foot, une force spéciale de police a été créée : 10 000 « flics des émeutes » seront déployés dans les 12 villes où se dérouleront les matchs en juillet prochain.
AFRIQUE DU SUD
– *Janvier 2014 – Une loi vient de déclarer illégal le fait d’aller manifester avec des battes de baseball, des lances et des machettes. Ouf !
ACTIVITES SYNDICALES
ITALIE-USA
– *4/01/2014 Les arrières-plans d’un accord parfait Fiat-Chrysler : le syndicat UAW au centre d’une opération financière.
Dans les années 2009, la dérive des trois grands de l’automobile, GM, Ford et Chrysler, avait nécessité l’intervention d’Obama qui imposa alors une restructuration drastique, visant notamment l’abandon par le syndicat UAW de l’ensemble des garanties des contrats d’entreprise. Auparavant, en 2007, pour soulager leur finance, ces firmes avaient abandonné le paiement direct des retraites et des garanties maladie pour en confier financement et paiement à un fonds de pension, Veba . Chrysler, entièrement géré par l’UAW. Même si le fonds était alimenté par les contributions régulières des salariés en exercice, il fallait assurer les réserves pour les prestations maladie et retraite des 117 000 retraités de Chrysler et de leur famille. Ce qui fut fait lors de la restructuration Obama de l’automobile en confiant à VEB 41,46 % des actions Chrysler. Mais contributions et revenus des actions n’étaient pas suffisants pour établir l’équilibre du fonds Chrysler même en réduisant les prestations, ce qui fut fait. En 2013, la partie santé du fonds était déficitaire de 4,35 milliards de dollars. Ce qui permit à Fiat, qui voulait manger Chrysler, de mettre le couteau sur la gorge de VEB Chrysler. Après d’âpres discussions de marchands de tapis, Fiat put acquérir 41,46 % des actions Chrysler détenues par VEB Chrysler et devenir propriétaire de Chrysler. Finalement, on peut considérer que l’enrichissement de Fiat et le renflouement de VEB Chrysler se sont faits sur le dos des travailleurs de Chrysler qui ont dû accepter au cours des années écoulées la dégradation des conditions de travail et les licenciements concoctés par l’UAW et le patronat. Reste à savoir comment le fonds VEB Chrysler, ainsi privé de la garantie que représentait la détention d’une part importante de Chrysler, pourra assurer le paiement de l’ensemble des prestations aux retraités et à leur famille.
ETATS-UNIS
– *8/01/2014 – Pour soutenir la compétitivité dans le match mondial Boeing-Airbus, Boeing a obtenu du syndicat des machinistes et sous menace de transfert et délocalisation des usines de la région de Seattle (80 000 travailleurs) des concessions « acceptées » au finish par 51 % des 24 999 machinistes concernés, propositions qui antérieurement avaient été rejetées par 67 % des travailleurs. Le conflit traçait une ligne de partage entre les travailleurs et les responsables syndicaux locaux de base d’un côté, et la direction nationale du syndicat. Il faut dire que si ce transfert vers des usines non syndiquées avait été effectué, la bureaucratie syndicale aurait perdu 3 millions d’euros de cotisations. L’accord imposé dans ces conditions prévoit, en contrepartie de l’abandon de projets de délocalisation, l’abandon du système actuel de retraite et d’assurance santé pour un système beaucoup moins favorable aux travailleurs. Une prime de « reprise » de 8 000 euros n’a pas calmé le mécontentement des travailleurs concernés (le salaire d’un ouvrier de Boeing est en moyenne de 26 000 euros par an, certains gagnent jusqu’à 80 000 euros avec des heures sup.).
AFRIQUE DU SUD
– De plus en plus, la coalition gouvernementale (ANC, Cosatu et SACP) perd toute crédibilité, notamment après les grèves de l’an passé et le massacre de Marikana (voir précédents bulletins). Surfant sur la montée des grèves et de la contestation sociale dans les townships, des forces politiques de remplacement se précisent. Le syndicat de la métallurgie Numsa, pourtant affilié à la confédération Cosatu, tente de former une troisième force politique en vue des élections du printemps prochain. Sur le plan syndical, les grèves dans les mines de platine ont vu la montée d’un syndicat rival du NUM, la confédération Amcu, qui vient de déclencher une nouvelle grève illimitée dans les mines de platine avec la revendication du doublement des salaires( l’inflation est—officiellement– de 5,3%) La grève est effective (70 000 mineurs en grève) et bloque toute production. Mais la tentative de l’étendre aux mine d’or a été stoppée par une décision de justice, l’Amcu étant liée par un contrat collectif signé l’été dernier par le NUM qui rend toute grève illégale.
Le président de l’AMCU bien que dénonçant la collaboration de classe et à la corruption des dirigeants de l’ANC , de la fédération syndicale COSATU et du syndicat des mineurs NUM harangue les grévistes en ces termes: « C’est une révolution de l’économie de l’Afrique du sud et nous allons la vivre » tout en ajoutant » Personne ne va être tué. Nous devons être disciplinés » Dans une autre mine de platine de plus petite dimension, après une grève de 75 jours, les mineurs ont obtenu une augmentation de 9,50 %. Ce qui complique la situation dans les relations de travail c’est qu’il y a toujours latente la menace de grèves sauvages. Beaucoup font référence à l’année 2012 au cours de laquelle les travailleurs écœurés par les syndicats avaient formé des comités autonomes et organisé des grèves sauvages. Le syndicat AMCU avait d’une certaine façon regroupé ces comités mais en même temps avaient empêché que cette autonomie se développe.
FRANCE
– *20/12/2013 – Méandres syndicaux chez Renault.
L’accord de compétitivité signé le 13 mars 2013 par la CFDT, CFE-CGC et FO permet 8 260 suppressions d’emplois ou/et le gel des salaires. Cet accord est contesté par la CGT qui obtient un jugement de la cour d’appel déclarant que cet accord ne peut remplacer « de plein droit » ceux existant antérieurement. On tombe ici dans un maquis juridique et des rivalités syndicales dont les travailleurs de Renault risquent de faire les frais.
*Janvier 2014 – Fin de la saga de Goodyear ou comment les travailleurs font les frais de la politique de la direction de la centrale CGT.
Goodyear est une multinationale américaine, un conglomérat dont seulement une partie est consacrée à la production de pneumatiques ; elle possède de nombreuses filiales de par le monde, indépendamment de ses usines propres. Deux de ces usines en France sont à Amiens, baptisées Amiens Nord et Amiens Sud bien que situées dans un même zone industrielle et seulement séparées pas une route. En 2008, un projet de fusion des 2 usines échoue devant le veto de la CGT.
En 2009, la CGT est majoritaire dans les 2 usines mais avec 2 sections syndicales distinctes. La direction propose alors un plan de restructuration des 2 usines avec à la clé un chantage à la fermeture totale (900 postes pour le sud, 1170 pour le nord). Ce plan implique le passage aux 4 x 8 (2 matins, 2 après-midi, 2 nuits, 2 repos, 30 weekends travaillés). La section d’Amiens Sud, suivie par les travailleurs, accepte de discuter le plan. La sanction tombe de la direction fédérale CGT de Paris : dissolution de la section et exclusion de l’ensemble des délégués. Tous les adhérents de cette section majoritaire passent à l’Unsa qui, avec FO et FTC, signe le plan de restructuration : l’usine et les emplois sont « sauvés » et aujourd’hui, l’usine Sud tourne à plein rendement, à peine touchée par la crise.
Amiens Nord refuse l’application du plan et entame une longue lutte pour tenter d’empêcher la liquidation de l’usine et, semble-t-il, démontrer à ceux de l’usine Sud que lutter ne peut qu’être profitable, même dans les circonstances présentes. La lutte devient même exemplaire sur le plan national. On va voir des tentatives de toutes sortes — depuis des reprises assorties de plans sociaux jusqu’à la constitution d’une coopérative ouvrière (Scop) qui reprendrait la fabrication des pneus agricoles, une des spécialités de l’usine.
Toutes ces tentatives échouent devant l’intransigeance soit de Goodyear, soit de la CGT. Plusieurs plans de départs volontaires avec reprise par l’américain Titan en 2011, en septembre 2012, puis en juin 2013, échouent, sans que l’on sache exactement sur quoi cela achoppe car chacune des parties se renvoie la balle. Ce qui semble certain c’est qu’après ces années de lutte sans résultat, la position intransigeante de la CGT commence à faiblir et que celle-ci, tentant le tout pour le tout, tente d’adopter une position plus radicale (sans que l’on sache si c’est la réponse à une pression de la base). Toujours est-il que, sur consignes syndicales CGT, 2 dirigeants de l’usine sont séquestrés ; leur libération deux jours plus tard s’accompagne d’une occupation de l’usine. Il est difficile de dire s’il s’agit d’un baroud d’honneur car le 22 janvier, un accord de fin de conflit est signé par l’ensemble des syndicats, y compris la CGT. L’ensemble des 1 173 travailleurs sont licenciés, l’usine sera reprise par Titan avec au départ zéro effectif, et la perspective de 333 embauches. L’accord prévoit pour les licenciés des indemnités conséquentes, une période de reclassement indemnisée de quinze mois et le paiement d’une mutuelle pendant vingt mois. L’accord est présenté par la CGT comme une victoire apportant le triplement des indemnités promises dans l’accord avorté de 2012. Ce qui est immédiatement contesté dans les médias qui donnent même des exemples de diminution de l’indemnisation pour certains des licenciés. La CGT ne conteste pas ces chiffres mais précise que « l’accord prévoit un triplement de l’enveloppe prévue pour les départs volontaires et non le triplement des indemnités de chaque salarié ».
La conclusion de cette lutte de sept années et des divisions syndicales, y compris dans la CGT, c’est que dans une période de crise comme celle que nous connaissons présentement, il s’agit soit de travailler aux conditions imposées par le patronat, soit d’accepter la fermeture de la boîte (en se battant pour obtenir plus d’indemnités) et l’incertitude du chômage.
Dans un cas comme dans l’autre, les travailleurs restent soumis aux positions et manipulations des centrales syndicales, sauf s’ils prennent leurs affaires en mains, temporairement car, tôt ou tard, si leur combat reste limité, leur lutte sous la coupe des intermédiaires dans la gestion de la force de travail
* janvier 2014—Que signifie la représentativité syndicale? En mai dernier cinq syndicats ont gagné la loterie pour ètre « représentatifs » sur le plan national et c’est encore plus compliqué pour la représentation de branche ( 470 arrêtés pour la fixer) et encore plus pour celle de l’entreprise. A ce niveau de l’entreprise, un accord d’entreprise ne peut être signé que par les syndicats ayant recueilli 30% des votants, de légères variations autour de ce chiffre peuvent contraindre à des combinaisons. Celles6ci peuvent s’ajouter à des marchandage entre syndicats sur le plan de l’entreprise pour garder la représentativité, contraignant à des alliances contre nature et pas forcément acceptées par les adhérents. Tout cela doit aussi être relacé dans la faible adhésion syndicale ( moins de 10% nationalement pour l’ensemble des syndicats et des travailleurs) et la faible participation aux élections d’entreprise ( en général plus de 30% d’abstentions). Cette participation aux élections prud’homales est si faible ( 75% en 2008) qu’un projet de loi prévoit leur suppression pure et simple et la désignation des conseillers au prorata de la représentativité nationale des syndicats.
http://spartacus1918.canalblog.com/archives/2014/02/12/29195122.html
France. L’autogestion à la rescousse dans la crise du capital (Fralib, Seafrance, Goodyear)
Article est paru dans Echanges n° 145 (automne 2013).
Le 24 juillet, le conseil des ministres a discuté et finalisé un projet de loi « Economie sociale et solidaire (ESS) » modifiant le statut des scop (sociétés coopératives ouvrières de production) qui, en France définit le cadre juridique des coopératives, autrement dit la manière dont l’autogestion doit fonctionner sous le capital. Ce projet qui devait venir en novembre devant le Parlement prévoit notamment les modalités selon lesquelles les salariés d’une entreprise pourront la reprendre lors du décès du propriétaire. Il n’est ni utile, ni nécessaire d’entrer dans les détails de ce projet qui ne fait que compléter la législation déjà existante sur les coopératives et favoriser la création d’une scop dans ces circonstances précises, d’autant plus qu’il peut être modifié lors de son vote.
Les coopératives de production ou de consommation, agricoles ou industrielles, sont parfaitement intégrées dans ce monde. Elles ne sont souvent qu’un cadre pratique pour couvrir une situation proche de celle de n’importe quelle entreprise capitaliste et de plus leur importance relative face à la puissance des multinationales les relègue au rang de marginalités économiques.
Il ne s’agit même plus de critique théorique de l’autogestion mais seulement de considérer ce qu’elles sont réellement dans le système capitaliste et le rôle que leur présence peut jouer eu égard à l’ensemble du système productif mondial. Deux exemples extrêmes permettent de situer dans quel sens toute coopérative peut évoluer.
Des grèves récentes en Italie ont révélé que tout le secteur logistique est sous forme de coopératives, ce qui permet – un paradoxe quant au principe même de l’autogestion – de tourner totalement les lois sur le travail et de garantir une exploitation maximum de la force de travail. C’est tout simple, les quelques dirigeants majoritairement propriétaires de la coopérative, contraignaient les postulants salariés à être coopérateurs, ce qui les excluait de la condition de salarié et des garanties et avantages sociaux réservées aux salariés. Ceci permet une exploitation sans limites légales, puisqu’ils s’auto-exploitent comme tout « indépendant ».
Un autre exemple est donné par cette coopérative que les milieux de l’autogestion citent souvent, l’espagnole Mondragon. C’est en fait un conglomérat de sous-traitants dispersé dans le monde, qui n’a rien d’une coopérative ; grâce à cette internationalisation, son chiffre d’affaires atteint environ le montant du seul budget de publicité d’un autre conglomérat international, le chaebol coréen Samsung. La faillite récente de Fagor Electrodometicos, filiale de Mondragon, illustre la domination capitaliste sur les activités des coopératives.
On pourrait multiplier à l’infini toutes les variations capitalistes des coopératives de par le monde, la pureté autogestionnaire étant peut-être seulement réservée à de très petites scops, et encore dans certains secteurs économiques spécifiques, celles qui servent de support à l’idéologie autogestionnaire. Cette idéologie ignore le fait simple que toute activité économique dans un monde capitaliste est contrainte peu ou prou de se plier aux règles de fonctionnement de ce système. Bien que l’on dise que les coopératives de toutes sortes regrouperaient près de 10 % de l’activité économique en France et 2,4 millions de travailleurs, on ne dit jamais ce qui se cache derrière ces chiffres : beaucoup d’entreprises privées qui n’ont rien ou presque rien à voir avec les principes avancés de l’autogestion ouvrière. On remet au goût du jour la coopérative comme solution de survie d’un système qui n’arrive à résoudre ses contradictions que pour tomber dans d’autres contradictions ; elle ne devrait pourtant pas apparaître comme la panacée à la lumière des récentes tentatives de la promouvoir sous le slogan de « reprise de l’entreprise capitaliste par ses travailleurs ».
Trois exemples récents permettent de se faire une idée des difficultés que rencontre l’engagement dans cette voie de sauvetage d’une entreprise en difficulté ou d’une unité fermée pour cause de stratégie économique d’une multinationale.
Fralib à Gemenos près de Marseille. Seule une partie des salariés (77) occupent l’usine de conditionnement de thé et tisanes fermée depuis deux ans par le trust Unilever. Le projet de scop qu’ils voudraient bien créer suppose la reprise d’une marque déposée par Unilever, mais la multinationale refuse absolument d’accéder à cette requête, même en sous-traitance.
Un des points particuliers de ce projet a été le rachat du terrain et des bâtiments de l’usine par la Communauté urbaine qui les mettrait à disposition de la future scop. Cette dissociation du capital fixe et du capital variable va se retrouver dans la scop constituée suite à la mise en faillite de Seafrance (1).
Seafrance à Calais. Lors de la liquidation de Seafrance, entreprise qui exploitait la liaison Calais-Douvress, ses trois ferries ont été rachetés par Eurotunnel, un groupe qui exploite le tunnel sous la Manche, une filiale de fret, Europorte, et, suite à ce rachat, une branche de trafic maritime. Mais cette activité d’armateur a pris un caractère très spécifique : l’exploitation desdits navires pour le trafic transmanche a été confiée à une scop constituée par les anciens salariés de Seafrance sous le nom de MyFerryLink.
Cette scop a prospéré au point qu’en août 2013 elle prenait 11 % du trafic transmanche et le groupe Eurotunnel prenait alors plus de la moitié de ce trafic. C’est là que les choses se sont gâtées pour la scop. La Grande-Bretagne, pays de la libre concurrence, met en fait des barrières à cette concurrence pour la protection des intérêts du capital britannique. Une des compagnies de ferries, la plus concernée par cette concurrence, P & O, et une autre danoise, DFDS Seaways (associée à l’armateur français Louis Dreyfus), ont intenté un procès à Eurotunnel devant la « Competition Commission » britannique prétendant que le rachat et l’exploitation des navires de Seafrance mettrait Eurotunnel en position de quasi-monopole et pourrait alors imposer des prix préjudiciables aux utilisateurs. Un premier jugement leur a donné raison en ordonnant à Eurotunnel de vendre deux navires sur trois sous peine de se voir fermer l’entrée du port de Douvres. C’est une situation cornélienne car le jugement du tribunal de commerce de Paris attribuant les trois navires à Eurotunnel comportait une clause lui interdisant la vente des ferries.
Le 4 décembre, cependant, la cour d’appel britannique a autorisé les ferries de la scop MyFerryLink à continuer de relier Calais à Douvres. Mais toute l’affaire montre les limites de l’utilisation de la forme coopérative qui, dans ce cas, n’est finalement qu’un organisme de gestion (d’autogestion bien particulière) de la force de travail pour le compte d’un capitaliste.
Goodyear à Amiens. Une opération du même genre est tentée pour l’usine de pneumatiques Goodyear d’Amiens. Là aussi, une scop reprendrait la fabrication des pneus agricoles, à condition que Goodyear lui cède ou la marque ou la sous-traitance. Bien sûr, comme dans le cas de Fralib, le trust s’y oppose et les choses tournent autour de batailles juridiques comme dans le cas antérieur de l’usine Continental près de Compiègne. De toute manière, si cette solution pouvait se mettre en place, la scop ne serait qu’un maillon dans le giron d’un groupe capitaliste puissant qui imposerait l’ensemble des facteurs économiques déterminant, au final, les conditions de gestion de la force de travail. Les décisions des « coopérateurs » seraient entièrement déterminées par des facteurs extérieurs aux mains du capital, à l’exception de quelques modalités sans influence réelle sur les conditions d’exploitation. Ces exemples montrent que le sort d’une coopérative reprenant une activité quelconque et que la réalité quelque peu fallacieuse d’une telle voie, préconisée très timidement par le projet de loi « Economie sociale et solidaire », ne sont qu’un replâtrage politique face à l’énormité de la crise du capital.
H. S.
NOTE
(1) Cette dissociation n’est pas rare dans le capitalisme d’aujourd’hui : par exemple pour les chemins de fer en France, la SNCF a été divisée entre propriété et entretien des voies au Réseau Ferré de France (RFF) et la nouvelle SNCF, propriétaire des trains et gestionnaire du trafic (comme antérieurement en Grande-Bretagne). Et ce n’est pas un cas isolé.
« Regarde elle a les yeux grand ouverts »
Le documentaire retrace le parcours de quelques femmes du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) d’ Aix-en-Provence jugées en 1977 pour « pratiques illégales de la médecine et tentative d’avortement sur mineure ». Autour du procès, le film nous fait découvrir le quotidien de ce collectif qui proposait aux femmes de s’approprier les savoirs médicaux liés au contrôle de la contraception, à la pratique des avortements, mais aussi aux accouchements à domicile.
Le MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) se crée en avril 1973. Même si en janvier 1975, la loi Veil légalise l’IVG, l’accès à l’avortement est toujours difficile. Le MLAC militait pour que les savoirs pratiques autour du corps des femmes, de leur santé et leur sexualité, soient pensés et maîtrisés par les femmes elles-mêmes. Les femmes apprennent donc à faire elles-mêmes. Le MLAC continuera les avortements et accouchements, même après la loi Veil.
Le film se déroule en deux temps. Un premier moment où l’on découvre les activités des femmes du MLAC autour des accouchements à domicile et des accompagnements à l’avortement.
L’association aidait aussi les femmes lors de permanences pour se rendre en Angleterre ou en Hollande pour avorter et organisait des départs collectifs. Les groupes militants du MLAC s’organisaient en réseaux locaux, plutôt autonomes dans leurs pratiques, dans le respect de la Charte du MLAC. Par exemple, les groupes de Rouen, Bagneux et Gennevilliers revendiquent la pratique d’avortements sans intervention médicale. L’implantation des comités MLAC se faisait surtout dans les villes moyennes et les grandes villes.
La caméra de Yann Le Masson s’attarde sur les visages des femmes qui prennent la parole, se livrent avec confiance autour de leurs histoires, dans la pure tradition du cinéma direct. L’expérience du MLAC ne se limite pas à la connaissance du corps et à ces pratiques d’auto-avortements et d’accouchements. C’est aussi une expérience de vie plus solidaire où les rapports à l’autre sont plus humains car chaque personne à l’écoute de ses désirs (avoir ou non un enfant, choisir son accouchement, décider de sa vie) est aussi capable d’entendre ceux des autres.
Dans un deuxième temps, le film revient sur le procès du 10 mars 1977. Accusées d’avoir pratiqué des avortements, les six femmes du MLAC choisissent la solidarité. Bras dessus bras dessous, elles font front et se défendent collectivement. De nombreuses personnes sont venues les soutenir, ce jour là. Beaucoup de chansons, de slogans « MLAC, MLAC, MLAC, solidarité ! » avant que les six ne s’engouffrent dans la salle d’audience. Cinq seront condamnées à 2 mois d’emprisonnement avec sursis, l’une a une peine d’1 mois avec sursis.
Après le procès, c’est l’heure des remises en question. Arrêter le MLAC ? Continuer ? L’une veut cesser ses activités pour passer plus de temps en famille, aussi sous la pression du mari. L’autre veut continuer. L’une raconte son avortement qui grâce à la présence des femmes du MLAC et leur pratique attentive et généreuse s’est bien passé. Une jeune fille dira avec enthousiasme « Avec mes copines, on va faire un petit MLAC ». Le groupe essaime, sans se poser en modèle, des pratiques militantes fortes, basées sur la solidarité, l’entraide et la bienveillance.
La dernière scène montre une des femmes du MLAC accouchant dans sa chambre, entourée par ses amis, sa famille, dans un climat de fête. A l’écoute les unes des autres, toujours. La femme, dans une grande maîtrise de son corps semble sereine. Elle guette les signes qui s’annoncent. Et de vérifier qu’elle est prête à accoucher, se met en position, pousse avec le mari d’un côté, les copines de l’autre, et même quelques enfants qui regardent bouche bée, comme au spectacle. Puis de tâter elle-même la tête qui sort et sa fille qui l’aide à tirer le bébé hors d’elle. Une naissance qui symboliserait aussi l’autonomie des femmes.
Ce qui frappe avec un décalage de 40 ans reste la solidité du groupe qui s’affranchit du pouvoir médical pour se prendre en main et aider d’autres femmes à le faire.
À l’heure où le droit à l’avortement est encore remis en cause en Espagne, par exemple, l’expérience du MLAC paraît non seulement juste mais très forte.
Ukraine « les contradictions de l’insurrection d’EUROMAIDEN »
Préalable des camarades tchèques de Přátelé Komunizace
Pendant des semaines et des semaines, nous observons les événements d’Ukraine, essayant de trouver le sens de ce qui s’y déroulait, à Kiev et dans d’autres villes. Nous avons lu bien des textes, commentaires et interviews et discuté sur Maiden,(1) mais nous ne sommes toujours parvenus qu’à nous poser d’autres questions. Ainsi, quand nous avons trouvé la possibilité d’être en contact avec des camarades ukrainiens nous avons tenté d’en tirer le mieux possible pour y répondre. Le résultat de cet effort et grâce à la bonne volonté et à la patience de Denis de la branche de Kiev du syndicat ouvrier autonome (Autonomous Workers Union) (2) nous avons pu parvenir à ce qui suit. Nous espérons qu’il vous apportera une vision utile du mouvement Maidan et de son contexte.
Vratislav : Depuis presque trois mois un mouvement a commencé à se développer en Ukraine et est devenu réellement massif , se répandant de Kiev vers les autres régions de l’Ukraine. Il a impliqué à Kiev l’occupation permanente du parc de l’Indépendance et de la zone urbaine environnante, et, dans une bonne partie du pays. des émeutes, des occupations ou blocage de bâtiments de l’administration ou officiels C’est notoire qu’on y trouve une forte implication d’organisations d’extrême droite et la prévalence parmi les protestataires d’une certaine idéologie nationaliste traditionnaliste. Ce mouvement dénommé « Maidan » ou « Euromaidan » d’après le nom du lieu occupé et celui de la revendication initiale que le gouvernement ukrainien ratifie le traité conduisant à l’admission de l’Ukraine dans l’Union Européenne. Pourtant, rapidement cette revendication a été remplacée par une autre, une revendication destinée à permettre de mobiliser un plus grand nombre, celle de renverser le président Ianoukovitch,(3) son gouvernement et un appareil d’Etat corrompu. Est-ce que cette description correspond à la réalité ou y manque-t-il quelque chose ? Je veux dire, si le présent clan au pouvoir est contesté, est-il réellement contesté par une majorité de gens qui voudraient définitivement voir l’Ukraine prendre « la voie occidentale » ? Est-ce que le mouvement Maiden à Kiev et dans tout le pays est absolument unifié sur cette question d’un « ultra optimisme européen » ?
Denis : Oui, ton aperçu est plus ou moins correct. Mais tu dois comprendre que, depuis le début du mouvement, les gens ont une vision très particulière de l’Europe. Ils y voient une société très utopique – une société sans corruption, avec des salaires élevés, une sécurité sociale, le règne de la loi, des politiciens honnêtes, des visages souriants, des rues propres, etc.- et appellent cela l’UE. Et quand on essaie de leur dire que l’UE n’a actuellement rien à voir avec cette vision idyllique , que des gens en Europe présentement brûlent des drapeaux européens et protestent contre l’austérité, etc . ils répliquent : « Préféreriez-vous vivre en Russie ? » Depuis le début les protestations sont bienorientées par la fausse conscience d’un « choix de civilisation », par le modèle idéologique nationaliste qui ne laisse aucune place à des revendications de classe. C’est le résultat d’une hégémonie culturelle bourgeoise, au sens Gramscien (4) et c’est le principal problème de la lutte que nous devons mener dans ce pays dans les prochaines années (ou même dans des décennies) Lire la suite…
Déclaration sur la situation en Ukraine du Syndicat Autonome des Travailleurs, 19 février 2014
Déclaration sur la situation en Ukraine du Syndicat Autonome des Travailleurs 19février 2014
http://dndf.org/?p=13324#more-13324
La guerre civile a commencé hier en Ukraine. Une manifestation pas si pacifique s’est confrontée aux forces de défense de l’Etat et à des divisions formées par les partisans de l’actuel gouvernement à côté de la Vekhovna Rada (Parlement).Le 18 février, la police, ainsi que des paramilitaires, ont commis un bain de sang dans le quartier gouvernemental au cours duquel de nombreux manifestants ont été tués. Les bouchers des divisions spéciales ont achevé des personnes arrêtées. Les députés du parti au pouvoir, le Parti des Régions, et leurs laquais bourgeois du Parti « Communiste » d’Ukraine ont fuit le parlement par un tunnel sous-terrain. Le vote d’amendements constitutionnels, dont le but était de limiter le pouvoir présidentiel, n’a pas pu avoir lieu. Après leur défaite, les manifestants se sont retirés à Maidan. A 18 heures, le ministère des affaires intérieures et le Bureau de la Sécurité Interne (BSI) ont déclaré un ultimatum aux manifestants, leur demandant de se disperser. A 20 heures, les forces de police spéciales et les paramilitaires, équipés de canons à eau et de véhicules blindées, ont commencé leur raid contre les barricades. La police, les divisions spéciale du BSI, ainsi que les troupes pro-gouvernementales, ont utilisé leurs armes à feu. Cependant, les manifestants ont réussi à incendier un véhicule blindé de la police, et on s’est rendu compte que les forces gouvernementales n’étaient pas les seules à avoir des armes. Selon le communiqué publié par la police (le 19 février à 16 heures), 24 personnes ont été tuées : 14 manifestants et 10 policiers. 31 policiers ont été blessés par balles. Même si leur estimation du nombre de pertes du côté de la police est réel, celui des victimes parmi les manifestants est clairement minimisé. Les soignants de Maidan cite au minimum 30 tués.
On a l’impression que le président Yanoukovich était certain que dans la matinée, la résistance serait écrasée, et c’est ainsi qu’il a arrangé une rencontre avec les leaders de l’opposition le 19 février à 11 heures. Comme les négociations n’ont pas eu lieu, on peut conclure que le plan du gouvernement a été un échec. Lors de l’opération qui a échoué de nettoyer Maidan , les citoyens de plusieurs régions occidentales ont occupé les bâtiments administratifs et repoussé la police. A ce moment, la police, en tant qu’institution, n’existe pas à Lvov. Selon le BSI, les manifestants ont pris possession de 1500 armes à feu. En moins de 24 heures, le gouvernement a perdu le contrôle d’une partie du pays. Actuellement, la seule solution pourrait être la démission du président, mais cela signifierait que lui, sa famille, et leurs nombreux acolytes et vassaux, qui forment le plus grand groupe dans le gouvernement au pouvoir, perdraient leurs sources de profits. Et il est probable qu’ils ne l’accepteront pas.
En cas de victoire de Yanoukovich, il deviendra dirigeant à vie et le reste de la population sera condamnée à une vie où elle devra subir la pauvreté, la corruption et l’abolition des droits et libertés. Les régions rebelles font actuellement l’expérience de la restauration de « l’ordre constitutionnel ». Et il n’est pas improbable que la répression des « groupes terroristes » en Galicie aura le caractère d’une épuration ethnique. Les fous extrémistes orthodoxes du Parti des Régions considèrent, depuis longtemps, les catholiques grecs comme les défenseurs de « l’Europe de Sodom ». Une telle « opération anti-terroriste » sera menée avec l’aide de l’armée comme l’a annoncé Lebedev, le ministre de la défense.
Aujourd’hui, l’Ukraine vit une tragédie, mais la véritable horreur commencera lorsque le gouvernement aura briser l’opposition et « stabiliser » la situation. Les signes de la préparation d’une opération de nettoyage de masse sont devenus visibles dès début février avec des poursuites criminelles à l’encontre des divisions d’auto-défense de Maidan en tant de formations militaires illégales. Selon l’article 260 du Code Criminel, les membres de telles divisions sont passibles de 2 à 15 ans de prison. Cela veut dire que le gouvernement prévoit de mettre plus de 10.000 citoyens derrière les barreaux. Dans les régions, comme dans la capitale, des escadrons de la mort agissent comme supplétifs des forces de police habituelles. Par exemple, un tel escadron de la mort, qui se fait appelé « les fantômes de Sébastopol » a revendiqué d’avoir brûlé vif un militant de Maidan originaire de Zaporijia. Ils ont annoncé qu’ils étaient près à faire subir le même traitement à des participants de Maidan à l’Est.
En cas de victoire de l’opposition, la vie sera aussi loin d’être parfaite. Même si les fascistes forment une minorité des manifestants, ils sont particulièrement actifs et ne sont pas les moins bien armés. Après quelques jours de trêve à la mi-février, des conflits entre groupes de droite ont conduit à plusieurs affrontements violents ainsi qu’à des agressions contre des « hérétiques » idéologiques. Derrière les fascistes, les anciens membres expérimentés de l’opposition font aussi tenter de prendre le pouvoir. Parmi eux, ils sont nombreux à avoir travaillé au sein du gouvernement et ne sont pas étrangers à la corruption, au favoritisme et à l’utilisation de fonds publics pour leurs intérêts personnels.
Les « concessions » que l’opposition demande au parlement sont pitoyables. Même la constitution de 2004, qu’ils veulent rétablir, donne trop de pouvoir au président (le contrôle de la police anti-émeute et des forces spéciales n’est qu’un exemple), et le système électoral à la proportionnelle, avec des listes fermées, met le parlement entre les mains de leaders dictatoriaux qui peuvent être comptés sur les doigts d’une main. Avec le président, ils dirigeront sans la moindre limite.
La seconde revendication, la mise en place d’un cabinet de ministres composés des leaders de l’opposition, est tout aussi honteuse. Est-ce que les gens risquent leur santé, leur liberté et leur vie pour que quelqu’un devienne premier ministre et que quelqu’un d’autre puisse profiter des flux monétaires de la corruption ? C’est la conclusion logique des discours pathologiques sur « la nation » et la défense des même structures verticales des politiciens haïs au lieu de développer des organisations de base pour la défense des intérêts financiers et matériels. C’est la principale leçon que doit apprendre Maidan. Mais cette leçon ne pourra être apprise en pratique que si l’actuel gouvernement perd la bataille.
L’opposition, au sein comme à l’extérieur du parlement, est divisée entre de multiples fractions hostiles. En cas de victoire, son régime sera instable et manquera de cohérence. Il sera tout aussi bourgeois et répressif que celui du Parti des Régions avant sa première épreuve de force en novembre contre les manifestants.
La responsabilité de sang versé revient aussi en partie à l’Union Européenne qui reçoit volontiers l’argent des salauds corrompus d’Ukraine, de Russie et de plusieurs pays d’Afrique, en négligeant l’origine de tels « investissements ». Ce n’est qu’après avoir vu les corps des victimes de ces « investisseurs » qu’ils versent des larmes de crocodiles sentimentales et humanitaires.
Ce n’est pas notre guerre, mais la victoire du gouvernement sera une défaite pour les travailleurs. La victoire de l’opposition n’annonce, elle aussi, rien de bon. Nous ne pouvons pas appeler le prolétariat à se sacrifier pour le bien et les intérêts de l’opposition. Nous pensons que la participation aux affrontement est une question de choix personnel. Cependant, nous encourageons à refuser de servir dans les forces militaires contrôlées par Yanoukovich et à saboter par tous les moyens possibles les actions du gouvernement.
Ni dieu, ni maître, ni nations ni frontières !
Organisation de Kiev du Syndicat Autonome des Travailleurs
Report from Bosnia (english)
Report from Bosnia: I went with two friends last week to Bosnia (3 days in Sarajevo and 2 days in Tuzla) to try to understand the situation there. Here is some of the information we gathered. This is far from being a proper analysis, as we need more time to try to make sense of these facts. We’ll keep following what is happening and will write more when we find more information. Protests in Sarajevo: They take place every day since the government building of Sarajevo’s canton was burned. People meet at 1pm in a place they call ?the square? but which is in fact the intersection between two streets in front of the burned building. The protest looks small at first, but people come and go from 1pm to around 9pm every day so it means that a lot more people in total are coming to protest. It should be said that the rest of the city functions (so to speak) as usual, and this is true of Tuzla as well. There is little police around the building, we heard that those remaining in power are very afraid of what is going on and are trying not to provoke the demonstrators by massive police presence. Those protests started in solidarity with the events in Tuzla, but quickly the protesters in Sarajevo started having their own demands and assembly. They burned the government building of Sarajevo’s canton on Friday the 7th. According to some of the participants, the people taking part in the riot were very diverse, many young people but also many pensioners, men and women alike, and apparently the big majority was not political before or involved in any organization. One young woman we met was very proud of having been part of the riots and insisted she was not the only one, and that older women joined as well. In Sarajevo it seems that young people and retired people are the most present in the movement, or let’s say those with the most anger. We met many old people who told us it was great that the government building burned, and that a lot more should be burned. Young people named massive unemployment as a cause of protest; pensioners complained that they were still receiving the same pensions than years ago even if the prices had gone up dramatically and they couldn’t possibly survive on that money. Protests in Tuzla We were only two days in Tuzla and have less understanding of the situation there. We met some workers of the Dita factory, one of those which got bankrupt after its privatization. They said that they have already been struggling for more than a year to get their wages, health insurance etc? that they tried many different ways to struggle (including a hunger strike) but that nobody cared. But when they went to the streets on the 5th of February and got attacked by the police, that provoked immediately a massive movement of solidarity by younger people and unemployed, who took to the streets and stormed and burned the government building of canton Tuzla. The workers of Dita we met said that they were very happy that that building burned and people protested in the streets, and that they were proud that their struggle had initiated such actions. They said that they were not organized in any union as the official union abandoned them 10 years ago. Tuzla’s assembly The ?assemblies of the citizens of Tuzla? are pretty big (more than 500 people as we were there) and apparently it is the first time such assemblies took place, at least in the last 20 years. Most of the participants were over 30 years old, all sorts of people, not really the kind of typical ?Occupy? crowd. Still, workers of the Dita factory told us that it was younger people who had the idea of meeting in assemblies, so maybe there were a few younger people (maybe students) who had somehow heard about the whole Occupy/Assemblea thing abroad. In any case there was apparently never any mention of these examples. We went to one assembly and it was very well organized, those who put their hands up got the chance to speak, the decisions were written in a document that was projected on a white board. It looks that there was a massive need for something that looks transparent, that contrasts with the corruption of everyday politics. The content of what was discussed was very far from being revolutionary, people said they wanted a government of experts, ?the continuity of institutions? (not yet quite sure what that means) etc? Problems of form were central to the discussion: that the delegates of the assembly were not to be part of any political party, that they were not to be paid? People insisted as well that there should be women among the delegates (at first only men were proposed). Of course these are only formal things but they seemed very important to people. Critique of nationalism This is a point that was constantly raised and one of the main point that was making people euphoric: nationalism (which means there: the division of Bosnia into ethnic groups) has been the major axis around which any social relation, political and social demand etc? was supposed to be articulated and understood. And all of a sudden, anti-nationalism turns to be the cement of the protests, the common value that makes very different people come together. Anti-nationalism means there something very different than what we would mean by it. It is in no way a form of internationalism. In fact, most of the people we met did not have a clue of what is going on outside ex-Yugoslavia, and never heard of Occupy or the Arab Spring (which does not mean at all that it is impossible to make parallels between these movements and what is happening in Bosnia.) Sometimes anti-nationalism was combined with a call for a real Bosnia, which seems to be less of a nationalism per se (there is not really a Bosnian-Herzegovina identity) than a call for a functioning state (possibly understood as a functioning welfare state): because of the division of the country in three parts, with three governments and three presidents, the administration and the institutions are a big mess, so people don’t get their benefits, laws that are voted don’t go through, etc. We met many people who were pissed off by that and said they just wanted a ?proper functioning state?. Obviously many old people were nostalgic of Yugoslavia, but I don’t think it was much present among young people, and this was normally more expressed implicitly than explicitly. It is still not completely clear to us what is happening in the Serbian part of Bosnia (Republika Srpska). The president of that part is claiming that the protests are only an ?ethnically? Bosnian phenomena and that Serbs should not join the protest. But there is at least a small minority that is trying to join the protest and is getting into trouble for it. We heard that there were curfews in some of these parts to prevent people to join the protests but we still do not know if that is true. It should be said that this part is generally poorer that the Bosnian part. Demands Formal demands were far from being revolutionary: a government of experts, a proper functioning of the state etc? Still it is worth questioning if the participants really believe that such a government could actually exist, and if they do think so, it is very likely that they will be disappointed soon. And, from the level of anger we could see, it seems highly probable that what we are witnessing is only the first round in a series of protests. Solidary protests in other ex-Yugoslavia countries There were protests in Serbia, Croatia, Slovenia and last Saturday there were riots in Montenegro. ------------ To be continued?
http://tptg.gr/dadalist/mail.cgi/what_is_dada_mail/
on a faim
Editorial et sommaire du numéro 38 du journal l’envolée, février 2014
Alors quoi ?
Dire à un être humain qu’il va rester en prison toute sa vie est une chose ; le lui faire accepter en est une autre.
Christophe Khider et Philippe Lalouel ont récemment dit à l’issue de leur procès que les peines auxquelles ils venaient d’être condamnés étaient inacceptables et qu’ils ne les feraient pas ; même pas en cauchemar. Certes, dans un éclair de lucidité, des médias, des politiques et certains intellectuels ont applaudi la libération de Philippe El Shennawy, âgé de 58 ans, après trente-huit ans de prison ! Mais après quels combats a-t-il été libéré, et à quel prix ? À sa sortie, il dénonce « une liberté au rabais » : deux ans de bracelet électronique, dix-huit de conditionnelle, c’est la prison dehors ! Et au moindre pet de travers, il retournera derrière les barreaux. Il évoque les milliers d’autres qui attendent la fin d’une peine infinie, empêtrés dans le calcul d’hypothétiques remises de peine, dans les conditionnelles et les périodes de sûreté… sans compter l’administration pénitentiaire qui les cachetonne pour les faire végéter dans l’insupportable et le dénuement.
Nous répétons que l’abolition de la peine de mort en 1981 a abouti, logiquement, à un allongement interminable des peines. Depuis, le code pénal n’a cessé de s’alourdir et les lois sécuritaires s’accumulent. Le droit arrive au bout de l’impasse dans laquelle il s’est engouffré. Ceux qui avaient été condamnés à l’époque à des peines de vingt-cinq ou trente ans les purgent encore aujourd’hui, et ils sont rejoints tous les jours par de nouveaux condamnés jusqu’à la mort. Comment faire exécuter ces peines ? Comment faire pour que des hommes et des femmes à qui on refuse tout avenir se tiennent tranquilles ? L’État a sa réponse : il construit et expérimente deux nouvelles prisons ultra-sécuritaires. Celle de Vendin-le-Vieil n’est pas encore inaugurée que ça pète déjà à Condé-sur-Sarthe, ouverte il y a dix mois. Alors quoi ?
Déjà en 1985, les émeutes de Fleury, Saint-Maur, Ensisheim dénonçaient toutes le mécanisme des peines de sûreté et l’allongement des peines. Les prisonniers avaient compris que l’abolition était une supercherie. Ils ont à peine été entendus.
En 2001, quand Badinter organise lui-même la commémoration de l’abolition, de nombreux prisonniers longues peines en sont déjà à vingt ans d’incarcération. À cette occasion, certains font sortir de plusieurs centrales des vidéos, des textes, des cartes postales, des affiches… pour dire haut et fort que la prison n’a jamais autant tué depuis la fin de la seconde guerre mondiale, que les peines sont de plus en plus longues et les libérations conditionnelles de plus en plus rares.
Toujours pas entendus.
En 2006, dix prisonniers de la centrale de Clairvaux rédigent un appel dans lequel ils demandent le rétablissement de la guillotine pour eux-mêmes, pour en finir avec l’hypocrisie du système judiciaire et carcéral. Ignorés.
En 2014, Taubira, ministre des tribunaux et des prisons, prépare sa réforme pénale qui n’améliore en rien le sort des personnes sous main de justice. Certains commencent à réaliser que tout espoir est vain, car les condamnations délirantes des cours d’assises assassines, eh bien, il va falloir les endurer jusqu’au bout. Les plus longues peines ont pour seule perspective une sortie vers 65-70 ans, voire au-delà…
C’est pas pour rien que des révoltes individuelles et collectives se multiplient depuis quelques mois. Il faudra bien que les prisonniers longues peines finissent par se faire entendre, pour eux et pour tous les prisonniers, parce que l’allongement infini des peines nous concerne tous. Comment y parvenir ? Comment briser enfin l’isolement ? Comment les prisonniers peuvent-ils s’organiser pour porter et assumer des revendications collectives ? Comment faire en sorte qu’elles soient entendues ? À l’extérieur, quel écho saurons-nous leur donner ?
SOMMAIRE :
5 / Nul n’est censé ignorer Lalouel : retour sur le procès en appel aux assises de Montauban les 30 et 31 janvier 2014 ; et lettres de Philippe Lalouel
12/ Quand la cour d’assises ronronne, un autre procès à Montauban
14 / Condé-sur-Sarthe : tombeau dernier cri pour peines infinies
– Lettre du GIP, actualisée par l’Envolée
– Retour sur l’affaire Buffet et Bontems
– Entretien avec Cyrille Canetti
22 / Neuf prisonniers massacrés par la justice : procès de la mutinerie de Blois après la mort de Mounir
25 / Réau, la visite continue
– Lettres de Herbert
– Lettre de Kaoutar
– Lettres de Christine
29 / « Chapeau bas, mesdames ! » après un mortel refus de soin
– Lettre de Khaled
– Lettre de Marc
30 / Interview de l’avocat Bernard Ripert, interdit d’exercice pendant un an
34 / À voir, à écouter…
36 / Lettre de Patricia
« des méthodes d’un autre âge »
Hier matin, des membres de la liste de rassemblement conduite par Jean-Brice Garella, le candidat aux municipales investi par le PS à Gardanne, ont découvert leur local de campagne taggué.
D’autres inscriptions, avec la même peinture rouge, ont été faites en plusieurs autres lieux de la ville. Un moment « traumatisant » pour l’équipe du candidat qui dénonce « des méthodes d’un autre âge ». Jean-Brice Garella a porté plainte.
La provence
Révolte à Vincennes, dedans et dehors : 2 compagnon-ne-s libérées
[Montpellier] Communiqué carnavalesque
À nouveau carnaval en cavale…
Chaque année on craint que ce soit fini, toujours plus de pseudo zone artistique temporaire, toujours plus de flics, toujours moins d’espace où les gens peuvent se rencontrer, discuter, chanter, boire sans injonction à consommer.
Montpellier la ville où le soleil cesse de briller lorsque on ne gagne pas 3000 euros par mois.
Mais il reste quelque feu de joie, à l’ombre de l’étoile noire ()
Parce que Carnaval c’est le signe de vie, d’une ville pas encore soumise à l’eau de javel du tourisme, des opérations “grand cœur”, des arrêts anti mendicités, des “pas de bruits, pas de rire après 22h” sauf dans les boîtes ou les bars à cadre sup’.
Alors TOUT DOIT CIRCULER sans papiers, sans argent, sans propriétaires, sans organisateurs, sans consom-mateurs.
Parce que Carnaval c’est d’abord une fête sauvage qui ne se cache pas, mais c’est aussi une révolte qui ne dit pas son nom (elle préfère garder son masque).
Carnaval c’est toi, moi nous qui créons des chars, des rythmes de battucadas, des masques, et un partage.
À carnaval tout se renversent, les branché-es deviennent ringard, les riches pauvres, seules les flics restent des ordures.
Parce qu’ainsi nous tournons dans la nuit et le feu nous consument.
Monsieur Carnaval (qu’il brûle !) sera toujours le symbole des grincheux, des “j’appelelapolice”, des patrons, des réacs, et autres seigneurs de guerre… c’est pour cela qu’à la fin tout le monde danse autour de ce qui représente les cendres de ce que l’on maudit le reste de l’année.
Parce qu’encore les gueux-ses compte bien (et en musique !) retourner une fois dans l’année, la balance des classes sociales, des normes et morales, en attendant que le grand carnaval permanent les renverse pour toujours…
Comme une ombre au tableau, le carnaval de Montpellier reste… celui des gueux.
À Montpellier le 4 mars à partir de 19h30 au Peyrou….
[Manosque, 04] Quelques attaques contre le tribunal
Le Palais de justice de Manosque légèrement vandalisé
Dans la nuit du 16 au 17 février, le palais de justice de Manosque a fait l’objet d’une vitre brisée et d’autres endommagées. Aucune dégradation n’a été recensée à l’intérieur de l’établissement.
Le Palais de Justice de Manosque qui abrite le Tribunal d’Instance et le Tribunal de Commerce, avec un rez-de-chaussée ouvert aux quatre vents, est l’objet régulier de réunions en bandes le soir venu, mais aussi de squat pour SDF, et de petites dégradations.
Ce fut une nouvelle fois le cas dans la nuit du dimanche 16 au lundi 17 février, puisqu’à l’ouverture ce lundi matin, les membres du personnel ont découvert qu’une vitre avait été brisée, et que deux autres avaient été endommagées dans le hall d’entrée. Sans compter une serrure abîmée.
Aucune dégradation n’a été recensée à l’intérieur de l’établissement, mais ce genre de vandalisme repose la question de la protection d’un tel établissement et de la sécurité dans ce quartier où à quelques mètres de là, la copropriété de la Galerie Mirabeau a du faire poser des grilles, l’année dernière, pour mettre fin aux actes de vandalisme répétés dans la soirée et la nuit.
Leur presse – hauteprovenceinfo.com
Le chat noir émeutier