ET MAINTENANT QU’EST-CE QU’ON FAIT?

Samedi soir, sur le chantier du barrage de Sivens, aux alentours de 2h du matin, Rémi est mort.
Pour ceux qui ont été présents ces six derniers mois au Testet, pour ceux qui ont été des batailles de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, pour ceux qui au moins une fois se sont retrouvés face à une ligne de flics, une évidence s’impose : ni bavures, ni « mort suspecte », nous parlons ici d’assassinat.
Samedi soir, Rémi est mort après une longue journée d’affrontements. La veille, des opposants ont mis en fuite les vigiles du chantier, parvenant à reprendre du terrain et à détruire par le feu ce qui restait encore sur le chantier. Le lendemain, les gendarmes mobiles sont revenus protéger un parking désormais vide. Alors que la mort de Rémi a été constatée à 2h du matin par les pompiers, les gendarmes ont continué à tirer sur les manifestants jusqu’au petit matin. Contrairement à ce que dit la presse, de nombreux blessés ont été soignés par nos propres moyens sur la ZAD. Au cours de ce week-end, la gendarmerie n’a pas hésité à viser la tête à coup de flash-balls et à faire des tirs
tendus de lacrymogènes et de grenades assourdissantes. Pendant toutes ces semaines d’occupation militaire, les gendarmes ont constamment éclaté des opposants, multiplié les coups tordus.
Dimanche soir, à Gaillac, lors du premier rassemblement, après l’annonce de la mort de Rémi et alors que tout laissait à penser qu’ils se feraient discrets, ces mêmes gendarmes ont chargé et dispersé les gens avec véhémence.
Ce qui est arrivé à Rémi aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre nous, ici ou ailleurs. À n’importe qui d’un peu déterminé ce jour-là et qui mettait en actes son refus. Un jeune homme est mort, qu’il soit « pacifiste » ou « radical », cela importe peu. Samedi soir, il était sur cette colline contre la zone militarisée, pour faire reculer les flics et les machines. Dimanche soir, on a entendu que Rémi était pacifiste, que les gens qui participaient aux affrontements étaient anarchistes. De telles affirmations sont insupportables. Dire ça, c’est entretenir de vielles divisions et faire le jeu du maintien de l’ordre. La force de mouvements et de luttes comme le No-Tav en Italie, la ZAD de Notre-Dame ou autres, c’est d’avoir su justement regrouper en leur sein des pratiques qui, au lieu de s’opposer, se complètent et peuvent s’associer pour aller
vers des victoires sensibles et matérielles. L’intelligence de la lutte, c’est de transformer ce qui apparaît trop souvent comme clivages et divergences rigides en tensions questionables et requestionnables permettant de grandir ensemble. Savoir faire force de la multitude des pratiques.
L’idée d’une Zone à Défendre se nourrit de ce qui vient d’ailleurs, d’où la bêtise de phrases comme « mais vous n’êtes pas d’ici », « on ne vous a jamais vu ». Sans soutien massif, la ZAD de Notre- Dame-des-Landes n’aurait jamais pu faire face aux flics et aux machines. La ZAD du Testet, comme les autres, n’est pas seulement une question locale, elle porte une idée de la vie en lutte contre la gouvernance, contre l’aménagement du territoire, contre l’existence-même de la police.
Ce qu’il convient maintenant de penser, c’est comment répondre.
Quand Alexis se fait tuer par la police en Grèce en 2008, c’est tout un pays qui s’embrase. Quand Zyad et Bouna se font tuer après une course-poursuite avec les flics en 2005, c’est des semaines d’émeutes qui s’enchaînent. Ne pas réagir serait une défaite. Il ne faut surtout pas laisser la peur s’installer et nous réduire à l’impuissance. C’est le devenir de nos vies et de nos luttes qui se joue.
Même si le projet s’arrêtait, ou était suspendu provisoirement, il n’y aura pas de victoire aujourd’hui. On entend dire : « attention, il ne faut pas se laisser aller à la colère », « il faut garder sa mesure », « le projet va peut-être bientôt être abandonné », etc. Cette pensée de la lutte est insupportable. Une vie vaut plus que l’abandon du projet d’un barrage, il faut le rappeler. La rage qui nous envahit aujourd’hui ne pourra être contenue au nom de calculs gestionnaires et par peur du débordement. On ne va pas réprimer par souci stratégico-médiatique la révolte que cette absence fait monter en nous.
Peu importe que nous ayons ou non pris part à la lutte contre le barrage. La réaction qui doit aujourd’hui éclater dépasse très largement son caractère local. Déjà hier des rassemblements ont eu lieu un peu partout en France et cela ne va faire que s’amplifier.
Peu importe ce que dira l’autopsie. Peu importe ce que diront les médias. La vérité on la connaît déjà, nul besoin d’attendre la leur: les flics ont tué Rémi.
Nous ne voulons pas de martyr mais faire en sorte que cette mort nous empêche tout retour en arrière. Se donner les moyens d’être victorieux c’est se ressaisir ensemble de cette situation. En premier lieu en faisant vivre ce qui avait pousser Rémi et des milliers de personnes autour de ces grilles mais aussi en affirmant, par prolongement, notre capacité à faire mouvement.
Maintenant, partout, organisons nous.
A la vie.
A Rémi.