Irak : les origines de la barbarie, les perspectives de la solidarité

 

http://unionpourlecommunisme.org/wp-content/uploads/2014/08/irak.jpg  On ne peut comprendre la situation actuelle en Irak sans revenir sur ses origines. De 1980 à 1988, un million de victimes tombaient dans la guerre opposant l’Irak et l’Iran. Ce carnage n’aurait pas été possible si Saddam Hussein et son régime n’avaient bénéficié du soutien massif des monarchies arabes du Golfe et des grandes puissances occidentales, dont nous savons maintenant qu’elles armaient également, plus discrètement, l’Iran. Ces puissances présentaient alors l’Irak comme le camp de « la laïcité et de la modernité », face à la « barbarie religieuse » du régime iranien. Mais pour les besoins de cette guerre, les deux régimes réactivaient en fait des antagonismes religieux anciens, opposant chiites et sunnites, que le développement de la société, notamment irakienne, avait résorbé. Les deux régimes faisaient ég alement mine de soutenir les minorités linguistiques ou nationales opprimées par leur voisin, tout en continuant à opprimer celles qui étaient sur leur sol .
À l’issue de cette guerre, l’Irak continua à bénéficier des bonnes grâces des États-Unis et des puissances européennes. Ces puissances n’ont rien fait, ni même dit, lorsque le régime irakien attaqua à l’arme chimique la population du village d’Halabja au Kurdistan, où 5 000 personnes périrent en 1988. Une vie kurde ne valait alors rien pour la prétendue communauté internationale.C’est lorsqu’il décida d’attaquer l’émirat du Koweït en août 1990 que, d’allié « démocrate »,  l’Irak se transforma subitement en ennemi « fasciste » dans le discours des grandes puissances. Oasis de richesses au milieu de l’océan de misère de la région, le Koweït, profitant d’une importante rente pétrolière, était en effet, et est toujours, l’une de ces pétromonarchies ultra-réactionnaires, aux frontières artificielles, qui sont les alliées stratégiques de ces puissances, et qui sont arrosées de dollars.C’est cet émirat, et non la population, que l’attaque occidentale sur l’Irak de 1991 – plus connue sous le nom de seconde guerre du Golfe – cherchait à protéger.Cette intervention déclencha une vaste insurrection populaire en Irak même : l’état-major américain, se retirant subitement des opérations, choisit de la laisser se faire écraser par la « garde républicaine » de Saddam Hussein, que les frappes destructrices de l’Amérique et ses alliés avaient opportunément laissée intacte.

Sous l’égide de l’ONU, ces puissances occidentales confièrent suite à cette guerre aux partis nationalistes de la bourgeoisie kurde la gestion d’une zone autonome au Kurdistan d’Irak, pour se les attacher et se créer dans cette région une zone d’influence. Ce n’étaient évidemment pas les Kurdes et leur sécurité qui importaient pour ces puissances, qui désignaient alors comme terroristes les Kurdes qui, dans la Turquie voisine, étaient à ce moment-là sous le feu de l’armée d’un État qui les opprime.

Dans le reste de l’Irak, la population était plongée dans la misère et la malnutrition par un embargo meurtrier. Alors que le régime irakien s’affaiblissait, la Maison-Blanche maintenait des contacts réguliers avec les organisations les plus réactionnaires de l’opposition irakienne. Suite à l’invasion américaine de 2003, ce sont ces organisations qui réorganisèrent le pays, sur les bases confessionnelles et ethniques actuelles.

Le pays a plongé depuis dans une guerre civile et confessionnelle où la population, les femmes, les travailleurs-ses et leurs droits sont sacrifiés, tandis que se sont ouverts sur leurs dépouilles de nouveaux marchés pour les capitalistes et les investisseurs étrangers.

C’est sur ce terreau de la misère, des désordres, des discriminations et affrontements de pouvoir sous prétexte de religion que la politique des gouvernements fantoches irakiens successifs ont suscités ou aggravés que l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) a pu s’implanter en Irak, et amplifier les exactions et les persécutions qui y avaient déjà cours.

Cette milice, l’EIIL, dispose, à en croire les études disponibles, d’une trésorerie de plus de deux milliards de dollars. Ce fonds de roulement doit beaucoup, selon certain-e-s, à l’Arabie Saoudite qui aurait soutenu cette organisation au moins jusqu’en 2013, sous prétexte de s’opposer au régime syrien. Y contribuent quoi qu’il en soit de riches donateurs résidant dans les pétromonarchies, et notamment au Koweït.

Ce sont ces moyens financiers, les armes qu’ils permettent de se procurer et les mercenaires étrangers qu’ils permettent d’attirer, qui ont permis à ces milices de s’imposer dans une partie des  » régions sunnites  » marginalisées et paupérisées par le gouvernement irakien et de fixer, pour partie, au mécontentement qui les traverse des objectifs fascistes.

Sous les coups de ces milices, les femmes sont soumises à une dictature patriarcale brutale ; les minorités assyriennes, chrétiennes, les Yézidis, les opposants au fondamentalisme religieux ont bien souvent fui leurs maisons, villes et villages.

Mais, dans sa guerre contre l’EIIL, ce sont les quartiers résidentiels et les hôpitaux des régions désignées comme sunnites qui sont visés en représailles par les bombardements ordonnés par le gouvernement à dominante chiite de Nouri al-Maliki. Ce dernier, qui n’hésite pas à faire larguer des barils explosifs sur les populations civiles comme le signale Human Right Watch, vaut-il vraiment mieux que ses adversaires ?

Au Kurdistan d’Irak, Amnesty International a également noté que le gouvernement régional kurde de Massoud Barzani faisait entrave aux personnes en fuite qui souhaitent se réfugier dans les villes protégés du conflit armé.

Ces persécutions, cette oppression, les États occidentaux qui en ont ouvert la voie de longue main semblent les découvrir soudainement aujourd’hui. S’en servant comme prétextes, ils travaillent du même coup, sous couvert humanitaire, à justifier leur intervention armée et leur présence dans la région, en faisant oublier au passage leur complicité dans bien d’autres massacres en cours.

Quelle solidarité ?

 

Nous devons nous opposer aux persécutions et aux violences meurtrières perpétrées contre la population irakienne. Il faut prendre le parti de la population, des exploité-e-s, des persécuté-e-s, des dépossédé-e-s et de leurs organisations – contre l’ensemble de ceux et celles qui, parmi les belligérants, ont montré par le passé le peu d’égards qu’ils ont pour la vie humaine et pour les intérêts de la population.

 

Il faut s’opposer à l’instrumentalisation des drames en cours par les États-Unis d’Amérique ou les puissances européennes, et dénoncer leur responsabilité écrasante dans la situation.Le massacre perpétré à Gaza suscite, au plan international, un profond élan de solidarité internationale avec la population palestinienne à qui une vie normale est refusée depuis plus d’un demi-siècle.

 

En Irak comme en Syrie et ailleurs dans la région, la contre-révolution patriarcale et confessionnelle marche du même pas que la contre-révolution coloniale et militariste, et transforme des populations en parias dans leur propre pays.Ce même élan populaire qui n’accepte pas les meurtres de masse à Gaza  doit manifester une solidarité morale, politique et matérielle avec tous les groupes opprimés qui se battent pour leur droit à l’existence en Irak et dans tout le Moyen-Orient.

 

Cette solidarité doit se manifester en particulier aujourd’hui en direction du mouvement ouvrier et du mouvement féministe d’Irak et des pays voisins comme avec tous ceux et toutes celles qui refusent dictature patriarcale, divisions et persécutions confessionnelles et occupations militaires.

 

Cette année, les États impérialistes d’Occident commémorent l’immense boucherie qu’a été la première guerre mondiale. Cent ans ont passé, et ce monde capitaliste absurde qui pue le sang, dirigé par les mêmes, entraîne à nouveau l’humanité dans de nouvelles catastrophes, toujours plus menaçantes. Si nous souhaitons les conjurer, si nous voulons en finir avec la barbarie et ceux qui la fomentent, c’est, aux quatre coins du monde, le drapeau rouge de la révolution sociale et de l’internationalisme que nous devrons partout lever  !