
une trentaine d’arrestations au milieu de la nuit : ce qui s’est passé dans la nuit de dimanche 10 août à Ferguson, petite banlieue de St. Louis dans le Missouri, est de ces scènes « rarement vues dans l’Amérique urbaine depuis les années soixante », rapporte le Wonkblog du Washington Post.
Ces violences sont survenues après la mort de Michael Brown, un jeune noir de 18 ans, tué par balle par un agent de police la veille. La police n’a pas revélé l’identité de l’agent de police qui a été suspendu, et les versions des circonstances de la mort du jeune homme diffèrent. Le chef de la police de Ferguson soutient que Michael Brown s’était violemment rebellé contre l’agent avant de se faire tuer. Une version que conteste la famille du mort, laquelle prétend qu’il avait les mains levées au moment des tirs, rapporte le quotidien local, le St. Louis Post-Dispatch. Le FBI a annoncé l’ouverture d’une enquête sur l’affaire.L’histoire américaine est criblée de tueries
Mais si, lundi soir, les rues de Ferguson sont restées plus calmes, les journaux, eux, sont sur le pied de guerre. « Michael Brown et les déséquilibres de l’Etat de droit », titre ainsi gravement le St. Louis Post-Dispatch. « Michael Brown n’a pas eu de procès équitable ; l’officier de police, lui, […] en aura un. C’est là l’origine de la frustration qui
pousse la communauté africaine-américaine dans la rue. […] L’histoire américaine est criblée de tueries impliquant les forces de l’ordre, où les jurés concèdent le bénéfice du doute à la police, qui fait un travail dangereux. » Dans un espoir de transparence, l’implication du FBI est « un bon premier pas », juge le journal.
Mais la question est plus large. Dans le Missouri, ce sont les tensions raciales entre la police locale blanche et les habitants majoritairement noirs qui sont désormais montrées au grand jour.
« L’héritage de la ségrégation dans les villes américaines s’est érodé plus lentement à Saint Louis que dans d’autres grandes villes », écrit le Washington Post. Un membre du conseil municipal de Ferguson explique au New York Times que cette affaire « est un cas d’école de ce qu’il ne fallait pas faire. Ferguson a d’une part un gouvernement blanc avec un maire blanc, et de l’autre une large population noire. Cette situation a révélé tous les fossés qu’il peut y avoir entre une communauté minoritaire et le gouvernement de Ferguson. »
Plus pragmatique, le Post-Dispatch suggère qu’il faudra investir dans les études sur les pratiques de « profilage racial » (racial profiling) qui ont cours dans la police de l’Etat. « En 2013, les Missouriens noirs avaient 66 % plus de chances de se faire contrôler par la police que les blancs. […] Ces statistiques ne prouvent pas qu’il y a du profilage racial dans la police. Mais ces chiffres – plus un jeune homme mort dans la rue – constituent un argument fort pour qu’on regarde d’un peu plus près. […] Peut-être que la mort tragique de Michael Brown stimulera la volonté politique dans ce sens. »
Toutefois, dépeindre une « région divisée entre des Blancs racistes et des Noirs en colère serait trop facile », fait remarquer la chroniqueuse Aisha Sultan, qui décrit une banlieue « où la reprise économique a tendance à ne pas parvenir jusqu’aux pauvres ». Ferguson « fait partie du nord de Saint Louis, que les Blancs quittaient en masse au début des années 1960. […] Beaucoup de ceux qui sont restés au pouvoir sont blancs, y compris au sein des forces de l’ordre », ajoute-t-elle.
Le principal souci, estime encore Aisha Sultan, est qu’en fin de compte, « Saint-Louis, comme une grande partie des Etats-Unis, a un problème indéniable dès lors qu’il faut parler ou s’occuper des problèmes qui touchent à la couleur de peau. […] Et tant qu’on ne pourra pas expliquer les tensions raciales de façon plus honnête à nos enfants – et à
nous-mêmes, nous serons confrontés à d’autres tragédies, encore plus dramatiques », conclut la chroniqueuse.
Sources : Courrier international

Sources : AFP 14 aout