Jeudi 16 octobre, un appel à la « grève sociale et métropolitaine » avait été lancé lors d’une assemblée au camping No Tav en Val de Suse par les mouvements antagonistes en concertation avec les syndicats de base (c’est-à-dire syndicat de lutte en France). Au-delà du débrayage, l’objectif était surtout de bloquer effectivement la ville ou tout du moins la circulation des marchandises. Cette grève s’inscrit dans un contexte de forte mobilisation des « facchini », c’est-à-dire des travailleurs de la logistique, (déchargeurs, autotransporteurs, livreurs, etc). Ces ouvriers, souvent migrants, subissent des conditions de travail épouvantables, payés moins de 7€/heure, voire pas payés du tout, souvent employés au black, et donc sans garanties, pour un travail pénible, généralement au sein des coopératives dites « rouges », anciennement liées au Parti Communiste Italien et désormais au Parti Démocrate. Toutefois depuis un an ils font de plus en plus entendre leur rage et leur volonté d’être traités avec dignité.
À Turin, le rendez-vous était fixé mercredi soir à 23h. Environ 200 personnes, travailleurs et soutiens, ont tenté pendant toute la nuit de rendre effectif le blocage en arrêtant les camions. La police, présente en force (plus de 300 agents !) et très nerveuse, a chargé les grévistes à plusieurs reprises.
À Pise, une cinquantaine de personnes entre camarades et travailleurs ont bloqué plusieurs camions Ikea pendant environ trois heures. Ensuite, le piquet s’est transformé en manifestation jusqu’à la mairie où il a rejoint étudiants et mouvement d’occupation des maisons. Le cortège s’est en dernier temps dirigé jusqu’à l’aéroport.
À Milan, dès 6h du matin les premiers blocages des camions se mettent en place à la Dielle (où les travailleurs sont mobilisés depuis plusieurs mois) et à la CEVA. Pendant la journée des bombes de peintures sont balancés contre d’autres patrons de la logistique : LEGA COOP et GI group. En parallèle, autoréduction au métro, manifestation des collégiens et petit cortège dans l’université. Dans la banlieue de Bologne, l’inter-port est bloqué pendant toute la journée par les travailleurs de la logistique pendant que les étudiants défilent en ville. Blocages des routes autour de la cité universitaire, bombes de peintures contre l’agence de transports publics qui a récemment augmenté le prix des tickets et autoréduction à la cafète de la fac pour poursuivre la campagne .
À Rome, le piquet devant l’entreprise de livraison SDA est une réussite, 100% d’adhésion. En contemporain, les étudiants occupent un nouvel espace au sein de la cité universitaire. Dans l’après-midi, manifestation jusqu’au parlement avec les occupants de maison, puis blocage du nœud ferroviaire de la gare Tuburtina et autoréduction du métro.
À Padoue, les dépôts DHL et TNT ont été bloqués.
À Treviso, c’est au tour de l’entreprise Bartolini.
À Modène, les manifestants se sont réunis devant l’agence municipale de logement, mais se sont fait charger.
À Parme, l’agence fournissant l’électricité à la ville a été occupée afin d’exiger l’arrêt pendant la période hivernale des coupures d’électricité.
À Cosenza, un bâtiment est occupé pour en faire une résidence universitaire.
À Palerme, manifestation des étudiants et des précaires qui lancent fumigènes et petites monnaies sur le siège du parti démocrate au cri de « voleurs ! ». Cet appel à la grève au niveau national pour le jeudi 16 s’est entrecroisé avec diverses contestations et manifestations organisées sur le territoire vendredi 17 et samedi 18 octobre.
Ainsi à Turin était organisé un sommet des ministres européens du travail, qui devaient se réunir afin trouver une solution à la hausse du chômage des jeunes en Europe. Syndicats de base, étudiants, précaires et réalités antagonistes ont appelé à la mobilisation contre ce « sommet de l’hypocrisie » réunissant la classe dirigeante responsable de la dégradation des conditions de travail. Ils dénonçaient en outre l’énième dépense inutile d’argent public qu’a représenté cette conférence, du fait de l’accueil luxueux réservé aux participants et de la militarisation de la ville. C’est pourquoi, vendredi 17 octobre, sont descendus dans les rues de Turin près de 8000 travailleurs auxquels se sont unis un milliers étudiants, précaires et chômeurs. Arrivés sur la place centrale, Piazza Castello, ces derniers ne se sont pas contentés d’écouter les discours du syndicat : ils ont tenté d’entrer dans la zone protégée pour la conférence, provoquant un immédiat tir de gaz lacrymogènes et diverses tentatives de vider la place. La police a effectué 3 arrestations, tandis que du haut de son parterre le secrétaire général du syndicat de la FIOM prenait en direct ses distances avec ces jeunes trouble-fête. La mobilisation a continué dans la soirée avec une manifestation des étudiants autour de la zone rouge et s’est clôturée avec un dernier cortège regroupant toutes les composantes de la ville le samedi après-midi qui a traversé la ville pour terminer dans le quartier populaire de Porta Palazzo.
À Gênes, 4000 personnes ont défilé samedi 18 octobre dans une ville qui vient de subir une lourde inondation et constate encore les dégâts. Au cri de « l’inondation à Gênes n’est pas une fatalité, mais le fruit de votre avidité », les manifestants ont dénoncé l’évident manque de capacité de gestion des institutions et l’arrivée de l’habituel nuage de chacals de l’urgence. Le mouvement No Tav, était évidemment présent en solidarité. Ces soutiens ont tenu à souligner une énième fois la conséquence du gâchis d’argent public dans des infrastructures inutiles, voire dangereuses, alors que la simple mise en sécurité des territoires habités n’est pas assurée.
lire la suite sur Rebellyon