La guerre aux migrant.e.s fait rage

10 juin 2014. Alors que ces derniers jours plusieurs embarcations de migrant.e.s ont réussi à atteindre les côtes de l’Europe, une vaste intervention répressive s’est déroulée dimanche 8 juin en méditerranée contre les migrant.e.s, dans le cadre de l’opération “Mare Nostrum” mise en place par la Task Force européenne après les naufrages de l’automne dernier. “Une des plus importantes organisées ces dernières années” : navires des gardes-côtes et policiers maltais, italiens mais aussi des navires de guerre américains et des cargos se trouvant dans la zone ont barré la route aux migrant.e.s.

“Mare Nostrum”, “notre mer”, est une expression latine qui évoque la suprématie romaine sur la mer méditerranée, rempart contre l’invasion étrangère. Cette idée fut reprise plus tard par Mussolini.

Différents politicien.ne.s ont critiqué ces opérations comme étant des opérations de secours, dénonçant l’incapacité de l’Union Européenne à faire face à l’immigration et demandant des mesures radicales pour la stopper. Un député italien a menacé l’Europe, à la mode de Kadhafi, “d’ouvrir les vannes” si des moyens supplémentaires n’étaient pas octroyés par l’UE. En France, le maire de Menton, ville située à la frontière italienne, a proposé un rétablissement des contrôles aux frontières pour stopper les passages vers la France, plus nombreux que d’habitude. Plusieurs compagnies de CRS épaulent d’ailleurs la police aux frontières et la sûreté ferroviaire qui multiplient les contrôles dans la région, sur les routes et à bord des trains.

La “Task Force pour la Méditerranée”, qui rassemble États membres de l’UE, agences européennes compétentes (European Asylum Support Office, Frontex, Europol, EU Agency for Fundamental Rights, European Maritime Safety Agency) et certains États de pays de transit, a pour mission la surveillance des frontières et la gestion des flux migratoires, sous couvert de missions de sauvetage en mer, grand argument humaniste dans le domaine.

Depuis sa mise en place, il y a 6 mois, elle a renforcé l’implication des pays du sud du bassin méditerranéen dans la guerre contre les migrant.e.s par la signature d’accords de réadmission (les migrant.e.s arrêté.e.s sont ramené.e.s par les flics dans les pays d’où sont partis les bateaux = expulsion sans s’encombrer de détails juridiques) et par la mise en place de politiques d’asile dans certains pays, comme le Maroc, la Tunisie et la Jordanie. Cela permet aux États européens d’expulser vers ces pays, qui sont des points de passage, n’importe qui qui y aurait un jour fait une demande d’asile et y aurait laissé ses empreintes. Cela permet à l’Europe d’expulser hors de son territoire des réfugiés, des personnes originaires de pays en guerre ou originaires de pays qui refusent d’accepter les expulsés. Des négociations sont en cours avec d’autres États et des fonds supplémentaires sont envoyés pour l’installation de grands camps de réfugié.e.s, notamment syrien.ne.s, où celles et ceux qui y vivent y sont isolés, dans la précarité la plus totale, sous le contrôle paternaliste des humanitaires spécialistes de la gestion de population type croix rouge et autres croisés chrétiens.

La “Task Force” a pour mission également de “renforcer la lutte contre le crime organisé et la contrebande”, via une collaboration entre Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières créée en 2004 et Europol, agence européenne de police créée en 1999. Lors d’une réunion entre ministres de l’intérieur européens le 5 juin dernier concernant la lutte contre le djihadisme, Frontex a été chargée de “repérer les djihadistes présumés”, relançant le triptyque “immigrés, trafiquants, terroristes” qui sous-tend toute la politique européenne dans sa lutte contre l’immigration et sert d’épouvantail à agiter pour légitimer ses actions.

Pour nous il n’y a pas de “bonne politique migratoire”. L’ouverture des frontières demandée par certain.e.s député.e.s et associations ne remettra pas en cause les logiques de contrôle et de gestion des populations, grâce auxquelles le pouvoir assoit l’exploitation économique et la domination raciste. Nous voulons être libres et nous ne l’obtiendrons que par une révolution et par nous-mêmes. Parce que le vent de la liberté ne connais pas de frontières. En attendant, la solidarité et la lutte ne sont pas des mots vains. Au printemps 2011, lorsque des centaines de migrant.e.s tunisien.ne.s se sont retrouvé.e.s à Paris ou à Marseille, l’envie de lutter contre ces frontières et la galère du quotidien a pris la forme d’occupations, de manifestations, d’oppositions aux rafles, d’action directes, etc. (Trois textes de la lutte des harragas mai juin 2011Chronologie de la lutte des Harragas Tunisiens à Paris, Vive la lutte des Harragas !)

De Melilla à Lampedusa, brûlons les frontières !http://sanspapiersnifrontieres.noblogs.org/