Le 26 mai 2014
Quand un prisonnier grec, appartenant au groupe armé 17 Novembre et prisonnier de longue date, décide en décembre 2013 de ne pas retourner après un congé pénitentiaire, l’Etat grec a ouvert le feu répressif. Des perquisitions dans des dizaines et des dizaines de maisons d’anarchistes, des barrages policiers partout dans le pays, une collaboration historique entre l’armée et la police et le lancement d’une proposition de loi concernant les « détenus dangereux ». Cette proposition vise à diviser la population carcérale en trois catégories (A,B et C). Pour la catégorie C, des modules d’isolement seraient construits et les prisonniers de cette catégorie ne pourront pas bénéficier de congés pénitentiaires, leurs visites et communications téléphoniques seraient limitées, la surveillance policière (armée) dans les modules serait permise, leurs libérations conditionnelles seraient plus strictes, la délation serait encouragée,… L’Etat a ouvert tous les registres afin de pousser l’isolement prisonniers type C (anarchistes et communistes, les condamnés pour grand banditisme et les prisonniers rebelles) à l’extrême.
L’Etat est toujours à la recherche d’excuses pour charger son arme répressive, et dans ce cas, il l’a trouvé dans l’évasion d’un prisonnier. L’Etat se tient toujours prêt pour s’en prendre à toute personne qui n’obéit pas, mais en Grèce, cette proposition de loi s’est heurtée à un mouvement solidaire et univoque dans toutes les prisons du pays, et à une solidarité à l’extérieur des murs. Cela a obligé l’Etat à se retirer (aussi avec les prochaines élections en tête) par crainte que la situation déborde. La proposition a donc été gelée (en tout cas, provisoirement).
Qu’est-ce qu’il s’est passé lors de ce mouvement ? Fin mars, des prisonniers ont annoncé une mobilisation contre cette proposition de loi. Peu après, le prisonnier Ilia Kareli (déjà 16 années derrière les barreaux) tue un gardien connu comme bourreau (il torturait des détenus notamment avec des câbles électriques). Ensuite, Ilia est torturé par des gardiens jusqu’à la mort. Ces éléments (la proposition de loi et l’assassinat d’Ilia), tout comme la rébellion déjà présente contre les conditions dans les prisons, ont déchainé un mouvement massif des prisonniers. A plusieurs reprises et dans toutes les prisons grecques, les détenus ont refusé la nourriture de la prison et ont refusé de remonter du préau. A Korydallos, lors du préau, des prisonniers peignent des slogans sur les murs, scandent des slogans,…
A l’extérieur, des rassemblements de solidarité ont eu lieu devant les taules. Lors d’un rassemblement devant la prison où les gardiens ont assassiné Ilia, des détenus détruisent des caméras de surveillance et des vitres. Dans plusieurs villes, des manifestations ont eu lieu et partout des affiches de solidarité apparaissaient sur les murs. Il y a eu aussi des actions nocturnes comme le sabotage de distributeurs de billets, l’incendie d’un véhicule appartenant à l’entreprise de sécurité G4S, le jet d’une grenade contre la voiture d’un maton tortionnaire,… qui font que le mouvement ne reste pas isolé et saute les murs de la prison.
Nous passons ces informations parce que nous sommes solidaires et voulons répandre la voix de la révolte. Mais aussi parce qu’ici en Belgique, on doit faire face à des mesures répressives similaires et qu’on veut encourager la révolte contre ces mesures. Nous parlons des modules d’isolement et des régimes individuels imposés aux détenus réfractaires, de l’annonce du plan de construire une prison de haute sécurité à Achêne, du durcissement des conditions pour bénéficier d’une libération conditionnelle et de congés pénitentiaires, de l’encouragement de la délation en échange de quelques privilèges,…
Et n’oublions pas non plus qu’un module d’isolement a récemment été ouvert dans le camp de déportation pour sans-papiers à Vottem ; les détenus n’y peuvent même pas quitter leur cellule pour manger !
L’ombre de toute cette répression tombe aussi sur tout le monde à l’extérieur des murs : la chasse aux chômeurs, l’installation de centaines de caméras de police, les amendes administratives, toujours plus d’uniformes dans la rue,…
Il y a bien suffisamment de raisons pour se battre, alors, battons-nous !
Feu à toutes les prisons ; mort à l’Etat !
[Article paru sur La Cavale, mai 2014]