Préalable des camarades tchèques de Přátelé Komunizace
Pendant des semaines et des semaines, nous observons les événements d’Ukraine, essayant de trouver le sens de ce qui s’y déroulait, à Kiev et dans d’autres villes. Nous avons lu bien des textes, commentaires et interviews et discuté sur Maiden,(1) mais nous ne sommes toujours parvenus qu’à nous poser d’autres questions. Ainsi, quand nous avons trouvé la possibilité d’être en contact avec des camarades ukrainiens nous avons tenté d’en tirer le mieux possible pour y répondre. Le résultat de cet effort et grâce à la bonne volonté et à la patience de Denis de la branche de Kiev du syndicat ouvrier autonome (Autonomous Workers Union) (2) nous avons pu parvenir à ce qui suit. Nous espérons qu’il vous apportera une vision utile du mouvement Maidan et de son contexte.
Vratislav : Depuis presque trois mois un mouvement a commencé à se développer en Ukraine et est devenu réellement massif , se répandant de Kiev vers les autres régions de l’Ukraine. Il a impliqué à Kiev l’occupation permanente du parc de l’Indépendance et de la zone urbaine environnante, et, dans une bonne partie du pays. des émeutes, des occupations ou blocage de bâtiments de l’administration ou officiels C’est notoire qu’on y trouve une forte implication d’organisations d’extrême droite et la prévalence parmi les protestataires d’une certaine idéologie nationaliste traditionnaliste. Ce mouvement dénommé « Maidan » ou « Euromaidan » d’après le nom du lieu occupé et celui de la revendication initiale que le gouvernement ukrainien ratifie le traité conduisant à l’admission de l’Ukraine dans l’Union Européenne. Pourtant, rapidement cette revendication a été remplacée par une autre, une revendication destinée à permettre de mobiliser un plus grand nombre, celle de renverser le président Ianoukovitch,(3) son gouvernement et un appareil d’Etat corrompu. Est-ce que cette description correspond à la réalité ou y manque-t-il quelque chose ? Je veux dire, si le présent clan au pouvoir est contesté, est-il réellement contesté par une majorité de gens qui voudraient définitivement voir l’Ukraine prendre « la voie occidentale » ? Est-ce que le mouvement Maiden à Kiev et dans tout le pays est absolument unifié sur cette question d’un « ultra optimisme européen » ?
Denis : Oui, ton aperçu est plus ou moins correct. Mais tu dois comprendre que, depuis le début du mouvement, les gens ont une vision très particulière de l’Europe. Ils y voient une société très utopique – une société sans corruption, avec des salaires élevés, une sécurité sociale, le règne de la loi, des politiciens honnêtes, des visages souriants, des rues propres, etc.- et appellent cela l’UE. Et quand on essaie de leur dire que l’UE n’a actuellement rien à voir avec cette vision idyllique , que des gens en Europe présentement brûlent des drapeaux européens et protestent contre l’austérité, etc . ils répliquent : « Préféreriez-vous vivre en Russie ? » Depuis le début les protestations sont bienorientées par la fausse conscience d’un « choix de civilisation », par le modèle idéologique nationaliste qui ne laisse aucune place à des revendications de classe. C’est le résultat d’une hégémonie culturelle bourgeoise, au sens Gramscien (4) et c’est le principal problème de la lutte que nous devons mener dans ce pays dans les prochaines années (ou même dans des décennies) Lire la suite…